Un «petit» week-end du côté de la compétition, marqué toutefois par la présentation de Cessez-le-feu, un film-choc venu d'Allemagne, le meilleur film jusqu'à maintenant.

À la façon d'un reportage tiré sur le vif, le cinéaste allemand Lancelot Von Naso nous plonge dans l'enfer irakien au lendemain de la prise de Bagdad par les troupes d'occupation américaines.

Waffenstillstand (Cessez-le-feu) s'attarde à décrire l'expédition d'un journaliste et d'un caméraman de la télé allemande qui, à la faveur d'un cessez-le-feu d'une durée de 24 heures, décident d'accompagner un convoi humanitaire se rendant à Fallujah, en pleine zone de combat entre les rebelles et les envahisseurs. Le but? Transporter des unités de sang et des médicaments à un hôpital n'ayant plus aucune ressource.

La mission se révèle ultra dangereuse. La tension est constante. Ils sont cinq. En plus des deux reporters, un médecin dégoûté, resté en zone de combat (Matthias Habbich); l'organisatrice de l'expédition, et le guide-chauffeur irakien.

Avec eux, le spectateur découvre peu à peu l'ampleur du drame. Jusqu'à l'arrivée à Fallujah. Où la situation est encore pire que tout ce que nous aurions pu imaginer.

À la sortie de la projection, l'auteur cinéaste, qui signe ici un premier long métrage, confiait s'être inspiré de différents faits véridiques, colligés au fil d'une année de recherches, pour accoucher de cette histoire fictive. Disposant d'un budget modeste, Von Naso a aussi fait du repérage pendant trois mois au Maroc afin de trouver des paysages et des bâtiments similaires à ceux de l'Irak. L'effet est si saisissant qu'on s'y croirait.

À n'en pas douter, Waffenstillstand est jusqu'à maintenant le meilleur film de cette compétition.

Des films plus pâles

Les trois autres films présentés en compétition ce week-end ont paru bien pâles à côté. Surtout Die Standesbeamtin (Will You Marry Us?), un film qui n'a certes pas sa place dans la compétition d'un grand festival international de cinéma. Cette sous-copie de comédie romantique à l'américaine, réalisée par le Suisse Micha Lewinsky, n'en finit plus d'égrener des gags éculés, pour la plupart télégraphiés 10 km à l'avance, et de manier tous les clichés d'usage. À l'«applaudissomètre», Die Standesbeamtin, qu'on compare à My Best Friend's Wedding, à The Best Man et à27 Dresses dans les notes de production (bonjour l'ambition!), a pourtant marqué le plus haut score. Allez comprendre.

La réalisatrice Séverine Cornamusaz, compatriote de Lewinsky, n'était par ailleurs pas peu fière de souligner le caractère très «francophone» de son premier long métrage Coeur animal. «Je suis suisse; les deux acteurs principaux sont français; et j'ai écrit le scénario avec un Québécois. Ne manquerait plus qu'un Belge et la francophonie entière serait représentée!» a-t-elle lancé au cours de sa présentation.

Marcel Beaulieu, qui a notamment travaillé avec Léa Pool (Anne Trister, À corps perdu) et Francis Leclerc (Une jeune fille à la fenêtre; Mémoires affectives), cosigne en effet le scénario de ce premier long métrage dont l'intrigue se déroule dans les hauteurs des Alpes suisses.

On y fait la rencontre d'un être apparemment dénué de sentiments, qui règne sur son petit monde en maître absolu. Tout, dans la vie de Paul (Olivier Rabourdin), est réglé en fonction du travail à faire sur la ferme. Une vie dure, abrupte, où tout est dicté par le maître des lieux et les rapports de soumission qu'il installe, y compris avec sa femme Rosine (Camille Japy), qu'il traite comme son esclave. L'équilibre se fissure le jour où Paul embauche un homme à tout faire d'origine espagnole (Antonio Buil).

Il y a des images d'une belle âpreté dans ce Coeur animal; d'autant que l'histoire est campée dans un cadre où la nature établit ses propres lois. En revanche, le récit se révèle un peu bancal. Les personnages sont en effet dessinés à trop gros traits pour être crédibles. Le personnage de Paul, en outre, passe trop rapidement du statut de parfait salaud à celui du pauvre gars qui commence à se poser des questions. Les ruptures de ton se font aussi parfois très brusques. La complicité qui se développe entre les deux hommes est trop subite et revêt un caractère artificiel. Dommage.

Guère mieux...

La projection d'Enen (Case Unknown) n'a pas suscité d'excès d'enthousiasme non plus. Réalisé par le Polonais Feliks Falk, qui cosigne le scénario de son film avec Agnieszka Holland (Europa, Europa), ce drame, très verbeux, est miné par des effets trop appuyés. Situé en 1997, le récit relate l'enquête que mène un jeune psychiatre pour dénicher l'histoire personnelle d'un patient - institutionnalisé depuis des années - dont les archives ont été effacées de tous les registres. On suit avec intérêt la quête du médecin, laquelle nous ramène inévitablement à l'époque de la chute du communisme. Malheureusement, cet intérêt s'étiole progressivement au fil d'invraisemblances, de dialogues trop lourds, et d'une mise en scène plutôt convenue. Grzegorz Wolf offre une belle composition dans la peau du psychiatrisé, mais le film se révèle plutôt moyen.

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Waffenstillstand (Cessez-le-feu) Aujourd'hui 14 h au Cinéma Impérial.

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Die Standesbeamtin (Will You Marry Us?) Aujourd'hui 16 h 30 au Cinéma Impérial.

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Coeur animal de Séverine Cornamusaz.

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Enen (Case Unknown) de Feliks Falk.