Dans Joueuse, le premier film de Caroline Bottaro, Kevin Kline tient pour la première fois au cinéma un rôle entièrement livré en français. Il en est lui-même un peu étonné...

Kevin Kline était de passage hier au Festival des films du monde pour soutenir la présentation d'un film français, Joueuse.

Dans ce premier long métrage de Caroline Bottaro, le célèbre acteur américain incarne un homme mystérieux habitant un village de la Corse. À la demande de sa femme de ménage (Sandrine Bonnaire), fascinée par un couple américain jouant aux échecs, il apprendra à cette dernière les règles du jeu.

«On m'a d'abord fait parvenir le scénario en anglais, a expliqué l'acteur au cours d'une interview accordée à La Presse dans la langue de Molière. Je l'ai lu d'une seule traite. J'ai d'abord été très attiré par l'histoire, et par la façon dont Caroline Bottaro dépeignait les personnages. D'autant que celui qui m'était offert est très différent de ceux que j'ai incarnés au cinéma jusqu'à maintenant. Et puis, l'histoire d'amour ne relève pas du cliché. Elle s'exprime de façon plus particulière.»

L'exploit de l'auteur cinéaste est assez remarquable. Dans la mesure où Kevin Kline a la réputation d'être très sélectif dans ses choix. Il refuse souvent des propositions.

«Cette réputation est un peu surfaite, dit-il pourtant. J'ai souvent donné mon accord très vite. Mais il est aussi vrai que mon agent doit parfois travailler très fort pour me convaincre!»

Dans le cas de Joueuse, la réponse est tombée à peine quatre jours après l'envoi du scénario. «Je n'ai pas hésité, affirme l'acteur. L'histoire me fascinait et le scénario était remarquable. Il y avait aussi de belles zones d'ombre pour l'interprétation du personnage. En plus, je savais que Sandrine Bonnaire allait jouer le rôle principal. J'ai tout de suite demandé à rencontrer Caroline.»

La rencontre s'est déroulée à New York. La complicité s'est établie rapidement.

«Nous avons parlé pendant quelques heures. Pour moi, il y a eu un moment décisif. Quand j'ai posé à Caroline une question sur le sens d'une scène, elle ne m'a pas donné de réponse précise. Elle a plutôt suggéré différentes interprétations. C'était comme de la musique à mon oreille. Dès cet instant, j'ai senti chez elle une envie de travailler les nuances, d'explorer toutes les subtilités. Cela me plaît.»

Aux yeux de l'acteur, lauréat d'un oscar grâce à sa composition hilarante dans A Fish Called Wanda, Sandrine Bonnaire est justement l'une des actrices sachant rendre le mieux toutes les nuances d'un personnage.

«Je suis l'un des grands admirateurs de Sandrine. Je connaissais évidemment plusieurs de ses films. J'étais ravi d'avoir la chance de jouer avec elle. Un acteur ne peut être bon que s'il a un bon partenaire en face pour lui donner la réplique. Sandrine est une actrice exceptionnelle.»

Très présent au cinéma depuis plus de 25 ans, Kevin Kline compte quelques classiques à son actif. Révélé par Sophie's Choice, le film d'Alan J. Pakula dans lequel il donnait la réplique à Meryl Streep, Kline fut aussi l'un des complices de Lawrence Kasdan. Avec ce dernier, il a tourné plusieurs longs métrages, dont The Big Chill et French Kiss, une comédie dans laquelle il avait déjà quelques répliques à livrer en français. Dave d'Ivan Reitman, The Ice Storm d'Ang Lee font aussi partie de ses films marquants.

«Les rôles intéressants sont maintenant plus difficiles à trouver dans le cinéma américain, reconnaît-il. D'une part, il n'y a souvent plus que des rôles de profs et de pères pour les acteurs de mon âge. Surtout, le cinéma hollywoodien est désormais conçu pour un public adolescent. Un réalisateur me disait récemment qu'un film comme Sophie's Choice ne pourrait probablement plus obtenir le feu vert d'un studio aujourd'hui.

«À vrai dire, poursuit-il, il n'y a pas beaucoup de films qui m'intéressent en tant que spectateur. En tout cas pas dans ce que nous offre Hollywood. Je suis davantage attiré par des films qui évoquent des choses de la vraie vie. J'aime la finesse, la subtilité. Dans ma démarche d'acteur, j'aspire à dépouiller mon jeu davantage, à épurer. En général, plus le budget d'un film est important, plus le rôle est mince!»

Le théâtre est toujours présent dans sa vie. Il y a deux ans, il se glissait dans la peau de Cyrano de Bergerac à Broadway. Kevin Kline a aussi déjà signé une mise en scène. «Une toute petite chose nommée Hamlet, dit-il. Dont j'ai aussi signé la mise en scène pour la télévision.»

Même si plusieurs de ses camarades passent derrière la caméra, Kevin Kline se voit mal s'atteler à la réalisation d'un film. «J'apprécierais très certainement le fait de pouvoir tout décider, mais je ne crois pas avoir la patience de consacrer quelques années de ma vie à un projet. Si je réalisais un film dans lequel je ne jouerais pas, je serais très frustré. Je serais même jaloux de mes acteurs!»

L'expérience de Joueuse, un film dont il est très fier, lui ayant donné confiance, Kevin Kline se verrait très bien tourner de nouveau à l'étranger.

«Tout dépend du scénario, du réalisateur, des partenaires de jeu, de la cuisine, de l'endroit où le tournage a lieu, et, bien entendu, du cachet!», dit-il pince-sans-rire.

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Joueuse, de Caroline Bottaro. En salle dès vendredi.