La réinvention de Roger Cantin, c'est celle d'un réalisateur qui, longtemps privé de longs métrages de fiction, revient au cinéma avec un film doté de moyens plutôt modestes. Sans son habituelle équipe technique, sans les lourdeurs ni contraintes d'un gros budget, Roger Cantin a pu tourner Un cargo pour l'Afrique en mode léger.

«Pour celui-là, je me suis dit on va sortir des sentiers battus, de la façon traditionnelle de faire. Je ne suis pas nerveux d'improviser. J'ai travaillé plus que sur mon premier long métrage. Ça donnait finalement une couleur au film que je n'aurais pas pu lui donner si j'avais eu plus de moyens», avance le réalisateur.

Sur le genre, Cantin fait aussi peau neuve. Après les succès des contes pour tous, Roger Cantin espère se défaire de l'étiquette que lui a apposée le public comme le milieu : celle d'un réalisateur de films pour enfants. «Je ne voulais plus que ce soit un film familial, car on m'a trop identifié à cela», croit-il.

Un cargo pour l'Afrique met néanmoins en scène un jeune garçon face à un vieux loup de mer, Norbert (Pierre Lebeau). Tous deux fuient une vie qu'ils détestent. En dehors de quelques airs de comédie, Un cargo pour l'Afrique contient une nostalgie qui ne sied pas à tous les publics.

«Je me suis inspiré de trois idées: d'abord, la maturité d'un enfant qui racontait la mort de sa mère lors d'une émission de radio. Il y a aussi eu le film Umberto D (de Vittorio de Sica), et la rencontre avec un travailleur humanitaire. J'ai toujours été fasciné par les héros obscurs à l'image de Norbert. Finalement, le film, de quoi parle-t-il? De pérennité, d'altruisme aussi. Beaucoup de gens, comme Norbert, choisissent l'obscurité. Mais ils font un travail utile.»

Roger Cantin ne connaissait pas Pierre Lebeau personnellement quand il l'a rencontré pour le rôle de Norbert, sur les conseils avisés du comédien Raymond Cloutier. «C'est quelqu'un d'entier. Quand je l'ai rencontré, j'ai vu que l'on voyait le personnage de la même façon. Il a un physique de dur, mais c'est quelqu'un d'extrêmement sensible», estime Cantin.

Le réalisateur offre à Pierre Lebeau un face-à-face avec son complice Alexis Martin. Lebeau est le travailleur canadien sans papier, évacué d'Afrique, déporté vers son pays d'origine. Martin est le fonctionnaire sceptique, chargé d'évaluer le dossier de ce Canadien qui se rêverait apatride ou Africain. «Il représente, dans un sens, le monde dit civilisé, capitaliste et inflexible», dit Roger Cantin.

Particulièrement fier de son tandem de comédiens (Pierre Lebeau et le jeune Julien Adam), Roger Cantin espère que leur interprétation séduira aussi le jury du FFM où le film a été présenté en compétition. Le réalisateur a aussi plusieurs projets à son actif, en plus d'un documentaire qu'il doit tourner pour le prochain spectacle du Cirque du Soleil.

«Il y a des projets pour enfants, amusants à faire, mais je ne suis pas certain que ce sont ceux-là que j'ai envie de tourner. Je ne veux pas retomber là-dedans. C'est bête à dire, mais (le film pour enfants) ce n'est pas apprécié. Je veux faire des films plus sérieux. Mais je ne sais pas du tout si cela va être accepté (par les institutions)», dit-il.

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Un cargo pour l'Afrique
prend l'affiche le 11 septembre.