Les Tsiganes ont gagné! Korkoro (Liberté), le nouveau film de Tony Gatlif, lui-même enfant de ce peuple, a obtenu hier le soir le Grand Prix des Amériques, la plus haute distinction du FFM.

Liberté, dont les vedettes sont Marc Lavoine et Marie-Josée Croze, s'attarde à décrire le parcours d'une famille tsigane dans la France occupée, alors qu'une loi interdisant le nomadisme est en vigueur sur tout le territoire. Gatlif, à qui l'on doit notamment Latcho Drom et Gadjo Dilo, nous rapproche ainsi de l'âme d'un peuple qui, malgré les drames, reste joyeusement libre d'esprit. Le film a aussi obtenu le prix du film le plus populaire du festival, de même qu'une mention du jury oecuménique.

 

«Parfois, le cinéma peut aussi être l'avocat des opprimés, a déclaré le lauréat. Ce prix-là, c'est une bougie qui s'éclaire dans le trou noir de l'histoire des Tsiganes en France et en Europe.»

Aux dernières nouvelles, les producteurs de Liberté n'auraient toujours pas conclu d'entente avec un distributeur québécois. L'affaire devrait en principe se régler bientôt.

Des titres attendus

Le jury, présidé cette année par le cinéaste iranien Jafar Panahi, a composé son palmarès avec les titres attendus, mais n'a quand même pas ménagé les surprises.

Si tout le monde s'attendait à ce que Weaving Girl (La tisseuse) figure dans la liste d'une façon ou d'une autre (le film de Wang Quan'an est reparti avec le Grand prix spécial du jury, de même qu'avec le prix de la critique), peu d'observateurs auraient en revanche parié sur les chances de La femme de Villon. Le film japonais, réalisé par le vétéran Kichitaro Negishi, a en effet décroché le prix de la mise en scène.

Weaving Girl, un beau film, se distingue notamment par le regard empathique que pose le cinéaste chinois sur le milieu des ouvriers. La femme de Villon relate de son côté l'histoire d'une jeune femme essayant de racheter l'honneur d'un mari voleur. Negishi jette les bases de son récit de belle façon, mais son film tombe très vite dans les pièges de l'académisme. D'où la surprise de voir figurer ce titre en si belle position.

Le beau film de Nathan et Claude Miller a par ailleurs aussi été primé. Le jury a attribué le prix du meilleur scénario à Je suis heureux que ma mère soit vivante, dont le scénario, inspiré par un article d'Emmanuel Carrère, a été écrit par Alain Le Henry.

Le prix d'interprétation masculine, attribué à l'acteur danois Cyron Melville, a aussi fait l'unanimité. Dans Vanvittig Forelsket (Love and Rage), ce dernier offre une magnifique composition en se glissant dans la peau d'un pianiste talentueux, habité pourtant par des démons intérieurs qui laissent leurs traces.

Des choix étonnants

Pour le reste, plusieurs surprises attendaient les observateurs au tournant.

Si on peu trouver sympathique le «prix de l'innovation» attribué au film iranien Atashkar (Secret d'homme), dont la forme frôle parfois l'amateurisme, on aura quand même du mal à souscrire au «prix de la meilleure contribution artistique», remis à Saint-Georges tire sur le dragon. Cette production serbo-bosniaque ambitieuse se révèle en effet lourde et académique.

Le prix d'interprétation féminine constitue toutefois la plus grande surprise de ce palmarès. L'actrice suisse Marie Leuenberger est en effet la vedette de Will You Marry Us?, une sous-copie de comédie romantique à l'américaine, indigne de figurer dans la sélection officielle d'un festival de cinéma sérieux. On se réjouit pour l'actrice, qui s'acquitte de sa tâche avec compétence, mais on se demande vraiment, même si les candidates se faisaient plus rares, quelle avenue a pu emprunter le jury pour arriver à ce résultat.

Du coup, les deux films les plus intéressants de la sélection, le film allemand Cessez-le-feu (Lancelot von Nose), et le film polonais Je suis à toi (Mariusz Grzegorzek), ont été complètement écartés du palmarès.

Comme il fallait s'y attendre, Un cargo pour l'Afrique a aussi mordu la poussière. Le film de Roger Cantin a toutefois récolté le prix du film canadien le plus populaire.

Des nombreux films inscrits au palmarès d'une façon ou d'une autre, seul Je te mangerais, lauréat du Zénith d'or remis au meilleur film de la compétition mondiale des premières oeuvres, a déjà en main un contrat de distribution pour le territoire québécois. Le film de Sophie Laloy prendra l'affiche le 3 octobre.

Fidèle à la tradition, Serge Losique a conclu la soirée en annonçant les dates du 34e FFM. Celui-ci se tiendra du 26 août au 6 septembre 2010.

 

Palmarès

> Longs Métrages

Grand prix des Amériques
Korkoro (Liberté) de Tony Gatlif (France)

Grand prix spécial du jury
La tisseuse (Weaving Girl) de Wang Quan'an (Chine)

Prix de la mise en scène
La femme de Villon (Viyon no tsuma) de Kichitaro Negishi (Japon)

Prix d'interprétation féminine
Marie Leuenberger pour le film Will you marry us? (Die Standesbeamtin) de Micha Lewinsky (Suisse)

Prix d'interprétation masculine
Cyron Melville pour le film Love and Rage (Vanvittig Forelsket) de Morten Giese (Danemark)

Prix du meilleur scénario
Je suis heureux que ma mère soit vivante de Claude Miller et Nathan Miller, scénario de Alain Le Henry (France)

Prix de la meilleure contribution artistique
Saint-Georges tire sur le dragon de Srdjan Dragovic (Serbie-Bosnie-Bulgarie)

Prix de l'innovation
Atashkar (Secret d'homme/Fire Keeper) de Mohsen Amiryoussefi (Iran)

> Prix du public

Prix du film canadien le plus populaire
Un cargo pour l'Afrique de Roger Cantin (Canada)