La Terre dévastée. Les humains disparus. Sur la planète, une créature fabriquée par l'homme puis abandonnée. Serait-ce WALL-E 2? Non, c'est 9 point. Une variante plus adulte de cet air d'apocalypse. Rencontre avec quelques artisans d'une curiosité dans le paysage américain de l'animation.

Aux abords de l'an 2000, Shane Acker étudiait en architecture et commençait à travailler dans ce domaine. «Je faisais de longues heures pour un petit salaire», se souvient-il. Il s'est alors rendu compte que ses copains, qui utilisaient le même genre d'outils informatiques que lui et possédaient le même genre de compétences, faisaient de moins longues heures pour de plus gros salaires. Ils avaient des contrats en animation.

C'est ainsi que Shane Acker a fait le saut dans cette direction. Et est devenu l'architecte... d'un monde en ruine, celui du court métrage 9 - en nomination aux Oscars en 2004. Et qui, en version allongée - passant de 11 minutes à 73 - entre autres produite par Tim Burton et Timur Bekmambetov (Wanted), arrive aujourd'hui sur nos écrans. Aujourd'hui, le 9 du 9e mois de l'année 2009. Ce n'est pas une coïncidence.

«Passer du court au long m'a permis d'explorer le passé des personnages, d'approfondir ce qu'ils sont et d'où ils viennent, et de donner une idée de ce qui s'est passé sur Terre», racontait le réalisateur lors de rencontres de presse tenue à Los Angeles.

Les personnages, ce sont neuf «stitchpunks», des créatures qui font à peine 20 cm de hauteur, dont le corps a été taillé dans du jute et les yeux sont des lentilles de verre, mais sont animées par une parcelle de vie humaine. Ils ont pour nom le numéro peint sur leur dos. Il y a 1, un dictateur en puissance; 2, un inventeur fragile; et ainsi de suite jusqu'à 9, le «dernier-né»: «Il est celui qui a le don d'unir les autres autour de lui, et d'utiliser les forces de chacun pour parvenir à vaincre les ennemis», explique Shane Acker.

Et ennemis il y a: ces poupées de chiffon sont pourchassées par des machines monstrueuses qui dominent la planète d'où toute vie humaine semble avoir été éradiquée. Le monde de 9 est en ruine. Il baigne dans une atmosphère post-apocalyptique que porte de façon aussi belle que douloureuse une esthétique steampunk. La civilisation a connu l'ère de la machine... mais attention, de la machine façon Jules Verne et non Terminator. Pas de puces informatiques ni d'ordinateur, ici. Plutôt, de la vapeur et un design victorien.

Visuellement, ça percute. La ville détruite, c'est un peu Londres bombardée durant la Seconde Guerre mondiale. L'atmosphère rappelle celle qui émane des illustrations de l'artiste polonais Zdzislaw Beksinski. Bref, on comprend que 9 n'est pas un film d'animation pour les petits. On y est plus dans Jurassic Park que dans WALL-E.

«J'en ai vu des extraits avec mon fils de 10 ans, et il a trouvé ça très cool. Mais j'ai dû cacher les yeux du plus jeune, qui a 6 ans, à plusieurs reprises», note Jennifer Connelly, qui prête sa voix à 7, la fière guerrière qui, «sous des dehors «bravaches», est très protectrice envers son clan».

Ce côté plus «adulte» du film n'est pas sans déplaire à Elijah Wood, grand amateur d'animation qui, ici, se glisse dans la peau de 9: «Aux États-Unis, nous sommes habitués à l'animation destinée aux enfants ou aux familles. C'est très différent au Japon, par exemple, où le médium est au service d'histoires plus complexes, qui abordent des thèmes plus sombres. Avec 9, Shane fait un pas dans cette direction», fait celui qui, durant le tournage de The Lord of the Rings, passait régulièrement par les studios Weta où se faisaient les effets spéciaux de la trilogie de Peter Jackson.

Il aurait pu y croiser Shane Acker: «Un de mes contrats m'a amené en Nouvelle-Zélande pour travailler sur The Return of the King. Et il m'est arrivé d'«animer» Elijah», rigole le réalisateur qui, avec 9, accouche d'un numéro un peu... hors série, visuellement inspiré des univers d'animateurs tels Jan Svankmajer, les frères Lauenstein et les frères Quay.

D'ailleurs, Shane Acker avait au départ pensé à utiliser, comme eux, une animation image par image (stop-motion). Faute de moyens au moment de réaliser le court métrage, raconte-t-il, il a façonné et sculpté ses personnages à l'aide de matériaux bien concrets avant de les «intégrer» dans l'ordinateur et d'utiliser l'infographie pour la suite des choses.

Et il a décidé de continuer sur cette voie - ce, avec la collaboration des animateurs travaillant au studio Starz Animation de Toronto - même quand Tim Burton et Timur Bekmambetov ont joint les rangs des producteurs du long métrage. «Tim avait une distance critique face au projet et ses notes reflétaient ça: il arrivait avec des points précis et forts. Timur, c'était autre chose. C'était comme... comme un Rolodex d'idées qui se déroulait», raconte Shane Acker, qui ne doute pas avoir tiré, avec eux, le bon numéro.

___________________________________________________________
9 (Numéro 9 en version française) prend l'affiche aujourd'hui.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Alliance Vivafilm (Focus Features)