Il sillonne la planète depuis le début des années 60: du Rwanda à la Corse en passant par le Sahel ou l'Amazonie, le photographe et cinéaste Raymond Depardon a été partout, traquant l'errance, découvrant l'humain. De Reporters (1981) à sa trilogie paysanne, la Cinémathèque québécoise présente une rétrospective de l'oeuvre de Depardon.

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Considérons-nous chanceux: Raymond Depardon se déplace rarement pour ses rétrospectives. «Au bout de quatre ou cinq films, j'ai eu des rétrospectives. Là, j'ai arrêté de me balader parce que je me dis, ça y est, on m'enterre», rit le réalisateur, qui a consenti à une exception, au nom de son histoire et de l'histoire du cinéma.

«Montréal est un lieu qui a toujours été très important et pour moi et pour l'image. Je ne suis pas n'importe où ici», revendique Depardon. Dans les années 60, il a partagé avec les réalisateurs de l'ONF l'amour pour le cinéma direct. «Ce qui se faisait à l'époque à l'Office faisait sentir le retard de la France», croit Raymond Depardon.

«Flirtant» avec la fiction (Un homme sans l'Occident ou La captive du désert), Raymond Depardon est resté fidèle à ses envies d'observation de l'homme face à l'institution (les urgences psychiatriques dans Urgences; la justice dans Flagrants délits) ou de l'homme face à lui-même (1974, une partie de campagne).

«J'espère ne pas vendre mon âme au diable!» plaisante volontiers Depardon. On serait tenté de voir tout au contraire, dans sa trilogie paysanne, le retour du cinéaste à ses racines rurales. Avec L'approche, Le quotidien puis La vie moderne, Raymond Depardon entre dans le quotidien de paysans des Cévennes.

«J'ai entendu une fois cette phrase: il faut fouiller le passé pour dégager le futur. C'est certain que la modernité, on la trouve dans le passé. On peut me reprocher d'être passéiste ou nostalgique, mais cela me sert à aller de l'avant, techniquement ou du point de vue démarche», explique-t-il. Campée dans le milieu de ses origines, la trilogie forme le film que le cinéaste n'a jamais pu consacrer à ses propres parents.

«J'ai eu cette chance d'être né sur une ferme, dit Depardon. C'était ma chance parce que quand j'ai pris une caméra, j'ai eu une espèce de naïveté. J'ai été assez primaire. Il faut être simple. Il y a un côté de désir d'amour: on filme ce que l'on aime, on filme ce dont on a peur», soutient-il.

Depuis La vie moderne, Depardon poursuit un projet de grande envergure - photographier la France pour une exposition présentée l'automne prochain à Paris. Des villes rurales et des sous-préfectures, il garde les ronds-points et les emblématiques cafés. S'attache en fait à la survivance, nouvelle, d'un monde que l'on croyait promis à la disparition.

Au cinéma, Raymond Depardon évoque un éventuel film autobiographique. De ses années de reporter - son premier métier -, il a gardé une leçon essentielle dans sa démarche cinématographique. «Il faut toujours deviner avec qui l'on est, dit-il. Je suis autant à égale distance du juge, de l'homme politique ou de la victime. Je ne suis ni l'un ni l'autre. J'ai ma noblesse de fils de paysan. Je suis quelqu'un d'un peu en dehors. Je suis un peu XIXe siècle.»

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La rétrospective Raymond Depardon se poursuit jusqu'au 3 octobre. Horaires: www.cinematheque.qc.ca. Le DVD de La vie moderne vient de paraître.