Être distrait à l'école, parfois, c'est payant. C'est ce qui a mené le Magogois Daniel Gaudreau jusqu'à Vancouver, depuis avril, où il planche sur le prochain film de Clint Eastwood,Invictus. Adolescent, il consacrait le plus clair de son temps à maîtriser les rudiments de l'animation 3D plutôt que d'étudier. Et il ne le regrette pas une seconde.

Peu conventionnelle, il est vrai, la route empruntée par celui que les anglophones appellent Dan Gaud. Mais quand le train est passé, le jeune homme n'a pas hésité à monter à bord. Après un séjour intensif d'une année au Centre NAD, à sa sortie du secondaire, pour apprendre le métier, le jeune homme d'aujourd'hui 24 ans est devenu un visual effects artist, ce qui pourrait se traduire par «créateur d'effets spéciaux».

«En fait, je ne sais pas quel est exactement mon titre. Je travaille sur des films américains. Dernièrement, j'ai fait les effets spéciaux de District 9, qui est à l'affiche ces jours-ci. L'objectif est d'intégrer des éléments en trois dimensions dans une scène et de les rendre réalistes. Il faut vendre l'illusion en ajustant la lumière, les couleurs, les décors... On essaie de vendre du rêve», raconte-t-il au bout du fil, au cours d'une de ses rares journées de congé.

Cette semaine, il entrera dans le dernier droit de création pour le film Invictus, mettant en vedette Morgan Freeman et racontant la vie de Nelson Mandela. D'ici novembre, il ne prononcera donc que très rarement le mot pause, allant jusqu'à travailler 80 heures dans la même semaine. «Pour chaque production, il n'y a pas assez de temps, ni d'argent. Dans ce cas-ci, nous travaillons sur les scènes d'un match de rugby tournées dans un stade vide. Il faut enlever le stade vide et rajouter tout ce qu'il y aurait derrière, s'il était plein...»

Facile? Pendant tout un mois, Daniel Gaudreau a travaillé sur une séquence ne durant que... quatre secondes. «C'est vraiment intense! En six mois, j'aurai travaillé sur 15 ou 20 séquences.»

Le milieu étant plutôt petit, une réputation se fait ou se défait rapidement. Et les créateurs comme lui, plutôt rares, ne manquent pas de boulot. «Il n'y a pas beaucoup de monde qui font ça, parce qu'on est les derniers de la ligne de production. C'est nous qui devons régler les problèmes et rattraper les retards. Il faut être débrouillard et créatif. Je me suis donc fait beaucoup d'amis originaires de partout et les projets s'enchaînent.»

Présentement embauché par CIS Vancouver, celui qui roule sa bosse dans le domaine depuis quatre ans a mis l'épaule à la roue d'une vingtaine de films. Chaque fois, la compagnie qui lui fournit du travail lui paye aussi un appartement. Quand il aura terminé le présent contrat, Daniel Gaudreau pourrait bien s'envoler vers Poudlard et s'amuser dans l'univers du dernier film d'Harry Potter.

Sinon? Sinon il y a aussi la Nouvelle-Zélande, où le film The Hobbit, dans la lignée du Seigneur des anneaux, sera produit prochainement.

Sinon? L'autre plan B, qui deviendra peut-être un plan A, sera de s'investir dans la réalisation de son premier long métrage. Considérant la réponse obtenue pour la bande-annonce de son plus récent court métrage, naïvement mis en ligne et ayant eu des échos jusqu'à Hollywood, Daniel Gaudreau pourrait rapidement meubler le grand écran de ses histoires.

«J'ai été interviewé par des producteurs d'Hollywood. La réponse que j'ai reçue m'a impressionné. Bientôt, j'enverrai le court métrage dans les festivals. Ensuite, j'écrirai un long métrage et j'en tournerai un petit bout avec un personnage animé en temps réel, un peu comme l'était Gollum dans le Seigneur des anneaux

Et éventuellement, advenant que la Californie ne lui convienne pas, le Magogois pourrait revenir dans sa région natale et faire de la sous-traitance en création d'effets spéciaux, pour les grosses compagnies. «Dans ma tête, ça se peut!» Sky is the limit!