Pour déjouer l'intraitable censure des autorités de Pékin, les cinéastes de Chine ont trouvé un subterfuge efficace : camper leurs longs métrages dans le passé.

Ils ne font d'ailleurs que renouer avec une tradition bien établie depuis de longues années en Chine et consistant à contourner la censure en utilisant d'anciens poèmes ou textes littéraires pour commenter des questions d'actualité.

Projeté au Festival international du film de Toronto (TIFF) pour la première fois en dehors de Chine, le film satirique Wheat se déroule durant la période des Royaumes combattants, de 476 avant Jésus-Christ à l'unification de la Chine par la dynastie des Qin, en - 221.

Il raconte la difficile condition des femmes dont les maris ont été appelés à la guerre, puis leur soulagement lorsqu'elles apprennent que ces derniers vont revenir au foyer une fois le conflit terminé... ce qui n'est en fait qu'un mensonge.

Ce long métrage aurait très bien pu être tourné en pleine époque contemporaine, souligne son réalisateur He Ping, dans un entretien à l'AFP. «Mais si vous racontez une histoire critique qui se joue dans la Chine actuelle, cela devient bien plus délicat», note-t-il.

«Si vous tournez un film qui tape sur ce qui se passe actuellement (en Chine), il ne passera pas les censeurs», alors qu'il est plus ardu de contester des événements historiques, indique He.

Cette mode des films se faisant critiques à l'égard de la Chine actuelle tout en s'inscrivant dans une trame historique fait ainsi les beaux jours de réalisateurs jusque là muselés.

Le réalisateur Lu Chuan est pour sa part remonté plus de 70 ans en arrière pour installer l'intrigue de City of Life and Death.

Le film met en lumière certains aspects méconnus du sac de la ville de Nankin, lors de l'invasion japonaise, en décembre 1937. Notamment le fait que des Chinoises offraient leurs corps aux soldats nippons en espérant calmer leur rage meurtrière, qui a fait entre 200 000 et 300 000 victimes.

Ce long métrage pose également un rare regard humain sur les envahisseurs de Nankin, ce qui a provoqué une vive polémique dans cette ville du sud de la Chine, le réalisateur étant même menacé de mort.

He Ping avertit toutefois: son film cible la société chinoise, pas le régime communiste. «La Chine a fait récemment beaucoup de progrès, mais la vérité est encore souvent cachée», ajoute-t-il, soulignant qu'il n'est fait état de graves problèmes que lorsqu'ils «tournent à la tragédie», tels les accidents dans les mines de charbon ou le scandale du lait contaminé.

Les autorités chinoises régulent d'une main de fer son marché du cinéma, n'autorisant par exemple qu'un quota de 20 films étrangers par an dans les salles, après passage de la censure.

Ces dernières années, Pékin a notamment interdit les superproductions américaines Pirates des Caraïbes 3 et Mission Impossible 3, donnant cependant pour la première fois leur feu vert à un épisode de l'agent secret britannique James Bond: Casino Royale.

Ouverte jeudi dernier, la 34e édition du Festival international du film de Toronto, le plus couru d'Amérique du Nord, se tient dans la métropole économique canadienne jusqu'au 19 septembre et présente 271 films de fiction, ainsi que 64 courts métrages.