Une caméra, une équipe légère et un budget riquiqui: en 2007, Robin Aubert s'offrait une échappée vers l'Inde pour y tourner À quelle heure le train pour nulle part. Dans la spontanéité la plus totale, Robin Aubert suit la quête d'un voyageur québécois à la recherche de son frère jumeau.

«On était partis d'un documentaire, d'une femme qui cherchait son fils. Mais comment trouver quelqu'un dans un environnement d'un milliard de personnes?» demande le réalisateur. Son personnage, lui, remontera sur les traces de son frère grâce aux réponses d'Indiens, comédiens non professionnels, rencontrés lors du tournage.

Cette belle échappée, Robin Aubert se l'est autorisée entre la sortie de son premier long (Saint-Martyr-des-Damnés) et le financement de son deuxième (À l'origine d'un cri). «Ça faisait trois ans que j'étais assis à tapocher sur mon ordinateur: j'avais le goût de lâcher ça, de retrouver une liberté créatrice, de faire quelque chose de plus libre», dit-il.

À quelle heure le train pour nulle part interroge donc la part de dualité que l'on a en nous, mais aussi notre rapport à l'autre. «Le voyageur cherche son frère, mais c'est aussi une partie de lui», dit Aubert. Lui-même décrit ses propres contradictions: «J'ai une partie bonne et une partie révoltée en moi: je suis partagé entre ces déséquilibres.»

La fuite est aussi au coeur d'À l'origine d'un cri que Robin Aubert termine en ce moment. «À quelle heure le train pour nulle part est vraiment un film sur les fantômes intérieurs; le prochain traite plus des liens filiaux. Ce film est un peu l'enfant de Saint-Martyr-des-Damnés», croit-il.

Lui-même adepte du voyage, Aubert a choisi de camper le décor de son film en Inde, où il a déjà séjourné. «L'Inde, c'est ma maîtresse», s'amuse le réalisateur. Son voyageur - Luis Bertrand- n'y a, lui, jamais mis les pieds: le film restitue donc l'expérience sensorielle d'un premier voyage en Inde.

«C'est déconcertant, raconte Robin Aubert. L'Inde a beaucoup de paradoxes, c'est un pays où tout avance très vite, mais qui a aussi beaucoup de contrastes.» Au milieu des foules et des bruits continus de la ville, le personnage se perd. «Pour moi, le son est un personnage secondaire», poursuit-il.

À quelle heure le train pour nulle part est un film dans lequel on reconnaît la signature de Robin Aubert. Le réalisateur acquiesce: «Je suis quelqu'un rempli de défauts: mes films me ressemblent beaucoup. Ma signature, je sais que je l'ai. Je suis tellement tout croche que mes films sont comme ça aussi. Ça ressemble à une brique plus qu'à une pierre polie.»

Entre les films spontanés et bruts et ceux produits dans des veines plus communes, Robin Aubert ne veut pas choisir. «Il faut les deux», tranche-t-il. Le réalisateur espère faire, à partir d'À quelle heure le train pour nulle part, une «pentologie» inspirée par chaque continent.

«Le fait de m'ouvrir la gueule, ça m'impose de le faire et de continuer. Ce n'est pas terminé, l'exploration», dit-il. La prochaine destination comme le prochain thème sont pour l'instant tenus secrets. Seule certitude, après des films masculins, Robin Aubert espère filmer des femmes. «Je veux écrire pour les femmes, sur les relations humaines. Mon côté «identité» est passé.»