À l'écran, Clive Owen prouve qu'il a l'envergure pour chausser les souliers de personnages plus grands que nature. En personne, l'impression se confirme. Pourtant, l'acteur britannique rêvait d'interpréter les hommes ordinaires. Rencontre avec une star qui a les pieds sur terre.

Il n'y a rien d'ordinaire chez Clive Owen. Sa silhouette élancée qui flirte avec le 1 m 90. Sa voix profonde. Son regard vert et tranquille. Son charisme. En sa présence, vous ne doutez pas une seconde que cet homme soit fait pour interpréter les rois, les aventuriers, les espions... Que ce soit du côté des bons ou des méchants, il est de l'étoffe dont on fait le «plus grand que nature».

Celui que l'on a découvert en 1998 dans Croupier de Mike Hodges a joué ces cartes-là dans King Arthur, The Bourne Identity, Inside Man, Children of Men, Duplicity, etc. Mais il désirait relever le défi de l'ordinaire. Se glisser dans la peau d'un homme qui n'est pas d'exception.

L'occasion s'est présentée quand le réalisateur australien Scott Hicks a pensé à lui pour le rôle principal dansThe Boys Are Back, une adaptation du récit autobiographique de Simon Carr. En 1994, la vie de ce journaliste, mari aimant et père présent... entre deux reportages, a pris un virage dramatique: sa femme a succombé à un cancer fulgurant. Il s'est ainsi retrouvé avec la responsabilité complète de deux fils qu'il ne connaissait pas en mode quotidien. «J'ai trouvé que le scénario était très bien écrit. Très fort et «vrai». La mort de sa femme, par exemple, m'a vraiment mis en colère. Et tout ça était livré sans sentimentalisme, sans mièvrerie, sans excès dans les émotions», a expliqué l'acteur lors d'une entrevue accordée à La Presse pendant le Festival international du film de Toronto où The Boys Are Back a été présenté.

Il a donc plongé dans la peau de Simon Carr, rebaptisé Joe Warr pour les fins de la fiction. «Je suis père de deux enfants, j'ai une vie de famille et avec ce film, j'ai enfin eu l'occasion d'explorer cet aspect-là de ma vie dans mon travail. C'est quelque chose que je désirais depuis longtemps», raconte celui qui a su, dès l'âge de 13 ans, qu'il voulait devenir acteur: «J'ai participé à une pièce montée à l'école secondaire et ça a été clair: j'avais trouvé ma voie.» Il n'est pourtant devenu la tête d'affiche que l'on sait qu'à 36 ans, avec Croupier. «Je travaillais alors depuis 10 ans... dans des choses que vous n'avez pas vues», rigole-t-il.

Bref, il espérait jouer les hommes ordinaires. Et travailler avec des enfants. Ça ne lui faisait pas peur? «Bien sûr! s'exclame-t-il. J'appréhendais ça, mais j'aimais l'idée de ce défi. Vous savez, je travaille beaucoup sur les scénarios, je lis, je discute avec le réalisateur.»

«Je veux comprendre et m'approprier le personnage - c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai rencontré Simon Carr qu'à la fin du tournage: je voulais être libre de l'interpréter sans penser à lui. Mais quand on joue avec des enfants, il existe une limite à la préparation que vous pouvez faire. Parce qu'eux ne jouent pas. Ils sont si vrais que, face à eux, si vous en mettez trop, vous avez l'air... de jouer.»

D'autant plus que le plus jeune des fils de Joe est interprété par un gamin qui faisait ses premières armes devant la caméra. Nicholas Mcanulty, 6 ans au moment du tournage. Choisi parmi un millier de garçons. «Nic est incroyablement vivant. Et il a un côté totalement imprévisible qui le rendait parfait pour le rôle.»

Enfin, la chimie a fonctionné entre Clive Owen et lui. Entre autres parce que l'acteur a tissé des liens avec le garçon, bien avant que les caméras ne se mettent à tourner. «Il a passé beaucoup de temps avec Nic, c'est ce qui a fait toute la différence. Clive doit sembler impuissant et démuni face à ce petit garçon aux prises avec des émotions et une situation qu'il ne comprend pas, qui le dépassent. Ce n'était pas gagné d'avance», note le réalisateur Scott Hicks en entrevue avec La Presse.

Tout cela, pour viser l'impression de vérité. Dans les moments durs comme dans les moments plus légers. Dans les bons coups comme dans les erreurs. Parce qu'erreurs il y a. Lorsque Joe Warr - comme Simon Carr dans le livre et dans la vie - instaure, pour ses enfants, la politique de «Just say yes». Ouch. «L'idée de base est bonne: nous ne sommes pas assez disponibles pour nos enfants, nous sommes trop prompts à dire non; mais il a poussé le principe un peu trop loin», reconnaît Clive Owen. Avec cette voix et ce sourire et ces yeux... qui, impossible de le nier, sont tout sauf ordinaires.

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The Boys Are Back prend l'affiche demain en anglais seulement.