Après les comédies Cruising Bar 2 et Le bonheur de Pierre, le réalisateur Robert Ménard renoue avec le drame social en tournant Reste avec moi, écrit par sa complice de longue date, Claire Wojas (Le Polock, L'enfant d'eau, T'es belle Jeanne). Un film choral sur l'isolement, la non-communication, la violence de la vie quotidienne.

«Ce n'est pas un film noir, mais un film très tendre. C'est un regard sur la société qui fait ressortir beaucoup la solitude urbaine», explique Claire Wojas, rencontrée jeudi lors du tournage des dernières scènes extérieures au square Victoria.

L'inspiration lui est venue d'un mauvais rêve dans lequel son père, mort depuis longtemps, éclatait en violence après avoir accumulé les frustrations d'une journée d'ouvrier. «Mon père n'aurait jamais fait ça. Mais j'y ai vu la puissance de la violence quotidienne.»

On suit en parallèle l'histoire de quatre couples et d'un tandem mère-fille. Chacun se débat avec un drame. Isolés, tous essaient de s'en sortir à leur façon et finissent par voir la lumière.

Louis Morissette et Maxim Roy incarnent Simon et Sophie, un couple de jeunes professionnels à qui tout semble réussir. Jusqu'à ce que Sophie tombe enceinte accidentellement et qu'ils se retrouvent face à des choix difficiles.

Papa d'un troisième enfant depuis 48 heures à peine au moment de l'entrevue - sa conjointe Véronique Cloutier a donné naissance mardi à une petite Raphaelle -, l'auteur et humoriste n'a pas eu à aller chercher loin des justifications à son personnage. «On n'a pas le même destin, mais on fait un peu les mêmes réflexions», dit-il.

Avec l'automne chargé qui l'attendait (tournages de CA et de Cabotins, gala des Gémeaux et arrivée d'un nouveau bébé), il a songé à «passer son tour» quand il a su que Robert Ménard voulait le voir en audition. Mais il a été gagné par le scénario.

«Je trouvais que c'était bien mené, bien ficelé. Et sur le plan plus personnel, totalement autre chose, loin de la comédie. C'est un drame tout en silence. Un autre rythme. J'avais envie de jouer ça.»

Depuis un an et demi, il a beaucoup interprété ses propres textes. Il souhaitait se montrer disponible aux projets des autres.

Des personnages complexes

«Les choix des personnages sont surprenants», souligne de son côté Maxim Roy. Si c'était une de mes amies, qu'est-ce que je ferais? Il n'y a pas beaucoup de scénarios comme ça. C'est très intro-spectif. Les personnages sont complexes.»

Julie Perreault (Minuit, le soir, Les soeurs Elliot) prête vie à Laurie, une mère seule débordée, en conflit avec sa fille de 5 ans interprétée par la petite Alexandra Sicard.

«Ce genre de rôle me fait prendre position, dit-elle. Même si tu n'es pas d'accord avec sa façon de réagir, il faut que tu y croies, que tu la défendes.» En donnant la réplique à un enfant, elle apprend une nouvelle façon de jouer: «Il faut être instinctif, au premier degré, prêt à rebondir quand elle est disponible.»

Gérard Poirier joue un octogénaire qui a connu sa part de malheurs et semble n'avoir plus rien ni personne. Il aimerait bien parler avec quelqu'un et tente d'attirer l'attention des gens qu'il croise au square Victoria. «C'est un rôle très émouvant. Je l'aime parce que ce n'est pas un désespéré», explique le comédien.

De leur côté, Danielle Proulx (C.R.A.Z.Y, Aveux, etc.) tient le rôle d'une peintre alcoolique et Vincent Bilodeau celui de son conjoint ébéniste. Tout ce monde est relié à un couple de Maghrébins (Joseph Antaki et Fariba Bonakdar), dont le mari sera témoin d'un événement concernant Sophie.

Le mauvais temps de la semaine dernière a quelque peu compliqué la production. Sur 30 jours de tournage, 10 ont lieu à l'extérieur.

Le film est produit par Robert Ménard, Claire Wojas et Claude Bonin (Vidéofilms), qui partagent tous les trois une longue feuille de route.

Cinq visions du Montréal contemporain

«C'est comme cinq courts métrages. Cinq univers différents qui s'entrecroisent. Cinq visions différentes du Montréal contemporain, raconte Robert Ménard. Et à la fin, comme dans un bon vieux film choral, il y quelque chose qui se passe. On apprend quelque chose d'extrêmement important. Il y a comme un suspense tout au long du film.»

Douce revanche pour le réalisateur, Le bonheur de Pierre, mal accueilli ici par la critique, poursuit sa carrière à l'étranger.

Après s'être promené à Orlando et Angoulême, il est en nomination dans deux semaines au Festival de films indépendants de New York pour le meilleur scénario, le meilleur film et le meilleur réalisateur, souligne Robert Ménard.

«C'est quand même pas mal. Il est très apprécié. Cela me rassure sur mon travail...»

Reste avec moi doit prendre l'affiche à la fin de 2010. Le budget de 4 millions a été financé par Téléfilm Canada, le distributeur Séville et les crédits d'impôt provincial et fédéral.