Joel et Ethan Coen sont retournés dans leur Minnesota natal, l'État où se déroule aussi une bonne partie de Fargo, pour raconter une histoire qui prend ses racines dans leur enfance mais qui n'est pas pour autant autobiographique. Et c'est avec sérieux (vraiment ?) qu'ils nous parlent de A Serious Man.

Ils sont les frères Coen. Joel et Ethan. Inséparables. En tout cas, quand vient le temps d'écrire et de réaliser. Et d'accorder des entrevues. Invités au Festival international du film de Toronto à présenter leur nouveau film, A Serious Man, ils sont entrés de concert dans la salle où les attendait une poignée de journalistes. Ont pris place côte à côte, Ethan s'installant automatiquement à la droite de Joel.

Parions qu'il en est allé de même dans les autres pièces, où les attendaient d'autres représentants des médias. Tout coule entre eux. L'un complétant la réponse de l'autre. Sans se regarder. En fait, ils jouent peu le jeu du «les yeux dans les yeux» avec leurs interlocuteurs. Ils semblent tournés vers l'intérieur. Timidité? Probablement pas. Mais cela donne à la rencontre une atmosphère juste assez décalée pour rappeler celle de ces films signés... voyons, qui, déjà? Ah oui, Joel et Ethan Coen!

Rien à voir

A Serious Man, donc, s'ouvre sur un prologue livré en yiddish et se déroulant il y a un siècle dans un shtetl (petit village juif) polonais. Le lien avec la suite des choses? «Aucun, admet Joel. Ça nous a simplement aidé à commencer à penser le film.»

Ah bon. Et ce film, il se déroule dans une banlieue du Minnesota, en 1967, au coeur d'une communauté juive. «Des Juifs du Midwest, qui ne sont pas les mêmes que ceux d'Hollywood, indique Ethan. Ce sont des Juifs des plaines, ils ont une culture particulière et leurs communautés sont bien différentes de celles qui vivent à New York ou à Los Angeles.»

Ils le savent, ils viennent de là. Ont grandi là, en ces années-là. Le stylo est prêt à écrire «autobiographie». Ce serait une erreur.

«Le contexte est celui de notre enfance mais la ressemblance avec notre famille est très superficielle. En fait, la seule ressemblance est que notre père enseignait à l'université, comme Larry Gopnick.»

Interprété par Michael Stuhlbarg, c'est lui, l'homme sérieux du titre. Sa vie est tranquille. Jusqu'à ce qu'elle ne le soit plus. Sa femme (Sari Lennick) tombe amoureuse d'un voisin et demande un gett (divorce accepté par les autorités religieuses, qui permet de se remarier).

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Son frère (Richard Kind), plus ou moins fonctionnel en société, s'installe chez eux. Son fils, qui prépare sa bar mitzvah, a des problèmes de discipline à l'école hébraïque. Larry a besoin de conseils. Il tente de rencontrer le rabbin qui pourra lui en donner. Pas évident.

«Nous sommes très curieux de voir comment le film va être reçu, note Joel. Y aura-t-il une différence de perception entre les Juifs et les gentils?» Mais pour lui et pour son frère, le terrain est sûr en ce qui concerne la «communauté»: «C'est, indique Ethan, une représentation de choses qui nous sont très familières.» Une représentation «coenienne», par contre. Où le littéral prend le bord. La facilité aussi.

«Être commercial n'a jamais été notre ambition», admet Ethan, appuyé par le hochement de tête de Joel. À preuve, alors que Burn After Reading et No Country for Old Men mettaient en scène les Brad Pitt, George Clooney, Tommy Lee Jones et Javier Bardem de la planète Hollywood, ils ont fait appel à des acteurs inconnus du plus grand nombre pour défendre A Serious Man.

Démarche cohérente

La démarche n'est pas la plus sûre sur le plan commercial (même si leur nom compense sûrement en partie l'absence de stars) mais elle est cohérente avec leur désir de départ et avec la réponse qu'ils s'étaient donnée à la question qu'ils se posent toujours en plongeant dans un scénario.

«Nous avons une histoire. Maintenant, comment allons-nous la raconter?»

Dans ce cas-ci, ils ont décidé de donner un visage réaliste, rappelant ceux de leur enfance, aux membres de la communauté juive qu'ils décriraient. Et ces visages-là ne se trouvent pas à Hollywood. Ils les ont donc trouvés ailleurs. Ce qui est loin, très loin (environ 2500 km, soit la distance Mineapolis-Los Angeles) d'être une mauvaise idée.

A Serious Man
prend l'affiche le 16 octobre.