« C’est un méli-mélo assez risible de pseudo-science, presque de la cosmophobie ! » L’astrophysicien Robert Lamontagne  semble exaspéré par les prédictions ésotériques de 2012.

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Mais il prévoit quand même voir le film. Ne serait-ce que pour le plaisir de regarder le monde exploser en haute définition.

Ce plaisir existait toutefois bien avant l’arrivée des effets spéciaux. Viva Paci, professeure à l’École des médias de l’UQAM, situe la naissance du film apocalyptique en 1902, avec Sur une autre planète de Méliès, puis Les derniers jours de Pompéi (Maggi en 1908 et Rodolfi en 1913).

À l’origine, l’idée était surtout exploitée par l’avant-garde. Hollywood l’a récupérée un peu plus tard. Aujourd’hui, c’est devenu son apanage, croit Donato Totaro. «Aucun autre genre ne lui permet de mieux exhiber ses budgets monstrueux», explique le professeur de cinéma à l’Université Concordia et éditeur du webzine Offscreen.com.

Selon lui, le genre apocalyptique plaît parce qu’il exploite nos angoisses sociales. Chaque génération voit ses propres peurs se matérialiser au grand écran, de la guerre nucléaire au jugement dernier en passant par le réchauffement climatique.

Éclairantes catastrophes

Qui blâmer pour l’apocalypse : Dieu ? Le hasard ? L’homme ? Dans son essai Pour un catastrophisme éclairé, le philosophe Jean-Pierre Dupuy accuse en partie notre jugement. Par exemple, pour freiner le réchauffement climatique, il faudrait accepter un coût immédiat (comme moins consommer) pour éviter un coût plus grand, mais futur et intangible. Ce que peu de gens font.

On pourrait donc voir une certaine utilité au cinéma apocalyptique, celle de donner un visage concret à ces menaces. Il force aussi à penser l’humanité comme un accident qui aurait pu ne jamais arriver ou qui pourrait disparaître (voir le documentaire télé The World Without Us).

Certaines œuvres post-apocalyptiques ressemblent à des dystopies – scénario du pire des mondes possibles. Ces sombres théâtres servent à méditer la condition humaine. Un bon exemple, The Road, tiré du roman de Cormac McCarthy, qui sortira sur nos écrans à la fin du mois.

Courant un peu plus rare : celui où l’apocalypse réalise notre vieux fantasme de tout détruire pour recommencer. « On le retrouve dans des films où deux cultures entrent en collision, comme Last Wave (1979) ou The World, The Flesh, The Devil (1959), énumère le professeur Totaro. C’est l’idée de beauté dans la fin, qui permet de nettoyer le monde des erreurs du passé. L’humanité obtient une deuxième chance. » Malheureusement, juge Viva Paci, le cinéma apocalyptique remplit rarement ses promesses.

Elle accuse entre autres les narrations « abracadabrantes » où le « héros solitaire dépasse toute contrainte et résiste dans toutes les situations, comme dans The Day After (…) et I Am Legend ».

Et l’apocalypse comme métaphore de la fragilité de la vie ? « Dans une industrie autant fondée sur le self-made man, je ne crois pas trop à une telle éducation à l’humilité », tranche-t-elle.

Plausibles zombies

Robert Lamontagne « hurlait de rire » quand il a regardé Armageddon. « C’est complètement fantaisiste, explique-t-il. D’abord, le météorite est de 1000 km de diamètre, environ la taille du Québec. Un de 10 ou 20 km avait pourtant suffi pour les dinosaures. Et en plus, ce gros météorite-là, on ne le détecte que trois semaines avant la collision. Dans la réalité, on l’aurait repéré plusieurs années auparavant. »

D’autres films sont assez plausibles, assure toutefois le directeur exécutif de l’Observatoire du mont Mégantic : « Ce qu’on montre dans Deep Impact pourrait arriver. Mais selon nos observations, il n’y a aucune menace de collision avec la Terre durant les 50 à 100 prochaines années. »

Un autre danger cosmique moins traité au cinéma : l’explosion d’une étoile voisine massive qui émettrait un rayonnement X et gamma assez puissant pour stériliser et déformer la race humaine. Comme des zombies, monsieur le scientifique? «Peut- être quelque chose comme ça, admet-il en riant. Mais pour l’instant, on n’a repéré aucune étoile dangereuse à cet égard.» Mais même si on échappe aux zombies, on ne fera que retarder la fin. Sur celle-ci, aucun doute.

D’ici 500 millions à 1 milliard d’années, le Soleil deviendra si chaud qu’il assèchera les océans et annihilera la vie sur Terre. Puis il gonflera et avalera notre planète avant de se contracter et s’éteindre.

Selon les dernières théories, l’expansion du reste de l’univers se poursuivra à l’infini. «Jusqu’à ce que la lumière disparaisse, explique Robert Lamontagne. L’univers deviendrait un cimetière d’étoiles de plus en plus froid, sans lumière et sans vie.»

Mais cette fin-là est moins cinématographique.

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L'incessante apocalypse

« Nous sommes peut-être la génération qui verra l’Armageddon », prédisait Ronald Reagan en 1980 en interview à Jim Bakker. Le président américain n’était ni le premier ni le dernier prophète de la fin des temps. Il semble que la fin du monde n’en finit plus de finir.

Qu’elles se fondent sur l’ésotérisme, le babillage pseudo-scientifique, l’interprétation dite « futuriste » de la Bible, le catastrophisme environnemental ou la vision d’un gourou illuminé, les prévisions apocalyptiques pleuvent. Elles existaient déjà il y a des siècles, mais deviennent de plus en plus faciles à répertorier.

On en recense plusieurs centaines sur l’internet. Les Témoins de Jéhovah sont particulièrement persévérants, avec des prévisions renouvelées pour notamment 1914, 1915, 1918, 1920, 1925, 1941, 1975 et 1994. 

D’autres annonces :

1919 : le météorologue Albert Porta avance que le 17 décembre 1919, la Terre brûlera à cause des courants magnétiques et explosions causées par la conjonction de six planètes.

Quelques mois plus tard, il perd son boulot.
1969 : Charles Manson prétend que les Beatles représentent les quatre chevaliers de l’Apocalypse, et que leur chanson Helter Skelter annonce l’Armageddon.

1988 : le scientifique de la NASA Edgar C. Whisenant publie le livre 88 Reasons Why The Rapture Will Occur in 1988. Il en vendra plus de quatre millions d’exemplaires.

Années 90 : on annonce un peu partout le désastre du « bogue de l’an 2000 ».