«C'est une voix littéraire formidable. Si vous l'adaptez, vous vous devez de l'utiliser», croit le scénariste Joe Penhall. Qui a donc utisé la langue, la voix de Cormac McCarthy quand on lui a confié la scénarisation de The Road, roman avec lequel l'auteur de No Country for Old Men a remporté le prix Pulitzer de la fiction en 2007.

Il est rare de sentir, en terre d'Hollywood, autant de respect pour un texte. C'était le cas ici, lors des tables rondes organisées avec les principaux artisans de ce film qui, «si le processus de production s'amorçait aujourd'hui, ne se ferait pas, est persuadé le réalisateur John Hillcoat. Les studios sont rendus ailleurs.» En... 2012?

Et de rappeler que personne, au départ, ne voulait de The Road. Aucun producteur. Mais, avant ça, aucun éditeur. «Cormac se faisait répondre que cette fois, il était allé trop loin.» Ce qui n'a pas empêché John Hillcoat de s'accrocher à ce texte, avant même sa publication. Bien avant qu'il ne devienne un best-seller. Bien avant qu'il ne soit couronné de prix. Parce qu'il n'y a pas vu un film sur l'apocalypse mais «une histoire d'amour entre un homme et son enfant».

Et cette relation, c'est celle de l'homme de lettres et de son fils. Le réalisateur le sait, lui qui, sur son plateau de tournage, a croisé Cormac McCarthy et Cullen, son garçon, «qui l'appelle papa, comme l'enfant dans le livre appelle son père».

À preuve, croit Viggo Mortensen, c'est que pendant le tournage, malgré le froid et les conditions difficiles, le sujet de conversation n'était pas le fin du monde: «Les parents parlaient de leurs enfants, les enfants de leurs parents, de leurs grands-parents.» Avec leurs propres mots. Qui ne sont pas ceux de l'écrivain. Qui ne sont pas ceux de gens «qui combattent l'apocalypse depuis 10 ans», fait Joe Penhall.

Une langue amputée de tout superflu, de tout ce qui n'est plus; or, sur cette terre il reste si peu... «J'ai retenu la plupart des dialogues, poursuit le scénariste, mais occasionnellement, j'ai simplifié les choses. Parfois Cormac a aimé. Parfois pas. Quand il parle de Dieu, par exemple, il a tenu à avoir les mots exacts qu'il a utilisés dans le roman.» Et ce que Joe Penhall a fait.

Même démarche, même respect, du côté de John Hillcoat. Qui n'était pas vendu à l'idée d'une narration en voix hors champ. Mais Joe Penhall a insisté. Ils ont par la suite montré et fait écouter le résultat à Cormac McCarthy. Il a aimé. C'est donc la voix de Viggo Mortensen qui nous ouvre la route de The Road.