Simon Bujold et Magnus Isaacson ont réalisé, pendant plusieurs années, le portrait de deux artistes engagés, Annie Roy et Pierre Allard, fondateurs de l'Action terroriste socialement Acceptable (ATSA). Bien connus pour leurs coups d'éclat (explosions de SUV entres autres) et le festival État d'urgence, le couple pousse à nous interroger sur les frontières de l'art.

L'ATSA ne passe pas inaperçue. Depuis 12 ans, Annie Roy et Pierre Allard interviennent dans l'espace public à coup de vraies fausses contraventions remis aux véhicules polluants, de vraies-faux troncs d'arbres dispersés sur le flanc du mont Royal ou avec le «manifestival» État d'urgence, organisé à Montréal à la fin de l'automne.

Un engagement qui ne pouvait pas laisser indifférent leur voisin et ami, Magnus Isaacson. «J'ai grandi en Suède, dans un mouvement artistique: j'étais dans la révolte étudiante contre le Vietnam. Pour moi, la question comment les artistes peuvent-ils participer à une prise de conscience sociale et politique est importante», dit-il.

Interpellé, donc, par ce couple peu ordinaire, Magnus Isaacson manifeste le désir, il y a plusieurs années, de suivre leur démarche. Simon Bujold, attiré par les documentaires engagés de Magnus Isaacson (Uranium, La bataille de Rabaska), s'est rapproché du réalisateur au fil du temps, «jusqu'à ce qu'il m'offre de travailler avec lui», se souvient-il.

Le documentaire montre donc un couple engagé, Annie et Pierre, qui vivent l'ATSA dans leur vie de tous les jours. «On est dans un contexte de démoralisation, de cynisme. Mais il y a de l'espoir: les gens se sentent inspirés par les questions qui dominent l'actualité. Annie et Pierre agissent localement et cela me fait plaisir», note Magnus Isaacson.

L'origine de l'ATSA c'est le couple formé par Annie et Pierre. Un couple fusionnel, qui vit, travaille et pense ensemble. «L'engagement est quelque chose d'essentiel, mais ce n'est pas facile. On regarde de près quelles sont les conséquences familiales. Une vie de couple avec un engagement intense, cela ne va pas de soi», croit Magnus Isaacson.

Simon Bujold ajoute: «Je trouve la relation amoureuse intéressante. C'est un couple transparent, quand quelque chose ne va pas entre eux, cela explose tout de suite.» Le film montre ainsi la vie familiale de Pierre et Annie, leurs deux enfants, Béatrice et Ulysse.

Si on sent, dans le documentaire, le parti pris de Simon Bujold et Magnus Isaacson pour les artistes, le film évoque toutefois les contestations dont ils ont été l'objet, notamment de la part du journaliste Jean-François Nadeau. Le directeur des pages culturelles du Devoir comparait, en 2007, le banquet cochon organisé par État d'urgence aux saturnales romaines.

«La controverse est une dimension importante quand on se présente sur la place publique», dit Magnus Isaacson. «On touche vraiment au dilemme entre l'artiste et le travailleur social: critique-t-on l'art ou l'intention sociale?», demande quant à lui Simon Bujold.

Bonne question, à laquelle ni le documentaire ni les artistes n'apportent de réponse. «Jean-François Nadeau n'a pas compris l'intervention, cela vise la prise de conscience. On ne peut pas dire qu'ils exploitent les sans-abri», avance Magnus Isaacson.

Le manifestival État d'urgence est devenu l'un des incontournables de l'année, tandis que l'ATSA fait des émules dans le reste du pays, en Europe ou à Cuba. Le film quant à lui sort à Montréal, à Québec, et sera présenté à la télévision pour le bonheur des réalisateurs.

«Je veux qu'il soit vu par tous les chialeurs de température et les tourneurs en rond, dit Simon Bujold. C'est une façon modeste de propager le feu. Et c'est une piste de réponse pour le changement. En fait, j'aime mieux avoir des héros québécois plutôt qu'hollywoodiens.»

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L'État d'urgence a lieu du 25 au 29 novembre. Info: www.atsa.qc.ca Présenté aux RIDM, L'art en action sort au Cinéma Parallèle cette semaine.