Commencé il y a plusieurs années, le scénario d'Up in the Air a été retravaillé pour refléter les ravages de la crise économique. Ryan, joué par George Clooney, passe au moins 300 jours de sa vie sur la route et dans les airs. Sa mission: annoncer leur renvoi à des employés qu'il n'avait jamais rencontrés avant...

Il s'en étonne un peu lui-même. Après le succès inattendu de Juno, Jason Reitman croyait ressentir beaucoup de pression à l'idée même d'élaborer un prochain film. «J'étais à peu près certain que j'allais décevoir tout le monde de toute façon, que je ne pourrais plus être à la hauteur des attentes, a confié l'auteur cinéaste au cours d'une entrevue accordée à La Presse lors du Festival de Toronto. À vrai dire, je m'étais déjà presque fait à l'idée que, quoi qu'il advienne, j'aurai quand même eu la chance d'avoir eu Juno dans ma vie!»

Révélé grâce à Thank You for Smoking, Reitman a été plongé dans le grand tourbillon médiatique il y a deux ans en concoctant une comédie sociale dont l'impact a été aussi fort qu'imprévisible. Non seulement le public a-t-il été au rendez-vous, mais la critique et le milieu professionnel ont conjointement célébré le talent du jeune cinéaste. Juno s'est aussi retrouvé dans la course aux Oscars, Reitman décrochant même une nomination dans la catégorie de la meilleure réalisation.

«Étrangement, on oublie tout cela dès qu'on replonge dans le travail. Heureusement d'ailleurs. J'ai terminé Up in the Air à peine quelques jours avant le lancement à Toronto. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai réalisé que le film serait alors montré au public! Mais pendant toute la fabrication, je n'ai pas été atteint, à ma grande surprise, de grandes crises d'angoisse.»

Dès la première projection d'Up in the Air au TIFF, la rumeur s'est emballée. Le troisième long métrage de Jason Reitman était à la hauteur. Les observateurs ont souligné l'intelligence de cette comédie dramatique, sa finesse dans l'humour. On louait aussi cette façon d'apostropher l'humeur d'une époque et d'en tirer une vraie réflexion.

Un contexte plus difficile

Le récit, très librement inspiré d'un bouquin de Walter Kirn, s'attarde à décrire le parcours de Ryan (George Clooney), un homme sans attaches qui, dans le cours d'une année, passe au moins 300 jours de sa vie à l'extérieur de chez lui, la plupart du temps en correspondance dans un aéroport. Travaillant pour une firme spécialisée à laquelle font appel les entreprises quand elles souhaitent licencier des gens, cet homme a pour mission d'annoncer à des employés qu'il n'a jamais rencontrés avant leur renvoi.

La vie de Ryan basculera pourtant le jour où il rencontrera une femme aussi indépendante que lui (Vera Farmiga), tout aussi obsédée par les points qu'elle accumule dans les différents programmes de fidélisation des compagnies aériennes.

Le grand voyageur, qui a toujours un rituel très précis avant de franchir les mesures de sécurité, aura aussi du mal à concevoir qu'on puisse le retenir sur Terre. Son patron (Jason Bateman) semble pourtant prêter grande attention au nouveau modèle d'affaires que lui propose une jeune cadre ambitieuse (Anna Kendrick). Cette dernière suggère que toutes les opérations se fassent désormais à l'aide de vidéo-caméras, rendant ainsi tout déplacement inutile.

«Quand j'ai commencé à écrire ce scénario, il y a plusieurs années, les scènes pendant lesquelles les gens se faisaient licencier empruntaient une forme comique, explique Jason Reitman. Mais il y a la crise. Il n'y a maintenant plus rien de drôle. J'ai tenu à intégrer dans le film des gens qui ont vraiment perdu leur emploi. Quand on n'est pas placé devant cette situation soi-même, on a du mal à imaginer à quel point un renvoi peut revêtir un caractère tragique dans la vie de quelqu'un. J'ai placé une petite annonce à St.Louis et à Detroit, deux des villes les plus touchées. Nous avons reçu un nombre incroyable de réponses. Nous avons enregistré les témoignages d'une centaine de chômeurs, au cours desquels ils nous racontaient comment cela s'était passé pour eux. Environ 25 personnes jouent leur propre rôle.»

Un esprit indépendant

Le contexte social n'est pas seul à avoir changé au cours des dernières années. L'auteur cinéaste n'est plus le même homme non plus. Forcément, le scénario de son film a emprunté la voie de son évolution personnelle. «J'ai aujourd'hui 32 ans, une vie plus stable, une famille, des enfants, et des préoccupations qui ne sont plus les mêmes qu'à l'époque où j'étais jeune et célibataire, dit-il. Je suis hyper-privilégié. Mais nous sommes quand même tous confrontés à cette question: qu'advient-il de nos vies si, demain, on perd tout? Je crois que cette préoccupation est commune à tous les humains.»

Farouchement indépendant d'esprit, Jason Reitman peut aujourd'hui mener sa carrière comme il l'entend. «Franchement, je ne croyais pas pouvoir atteindre mes objectifs aussi rapidement, observe-t-il. J'ai toujours voulu être cinéaste. Je craignais toutefois de me lancer là-dedans. À cause du nom que je porte, je croyais que ce serait encore plus difficile pour moi. Mais c'était viscéral. J'aime trop ça!»

Né à Montréal, cet indéfectible amateur de hockey est le fils d'Ivan Reitman (Ghostbusters, Dave) et de la comédienne québécoise Geneviève Robert, connue à une époque sous le nom de Geneviève Deloir (voir encadré). La famille a toutefois quitté la métropole québécoise pour s'installer en Californie alors que Jason était tout jeune.

Aujourd'hui, le fils Reitman fait partie des plus beaux esprits créatifs du cinéma américain. Tous les acteurs pressentis en écrivant le scénario d'Up in the Air ont répondu à son appel sans même hésiter. À commencer par George Clooney.

«Je ne lui ai pas annoncé tout de suite que j'écrivais en pensant à lui mais j'avoue que j'aurais probablement brûlé mon script s'il avait refusé! Je ne vois pas qui d'autre aurait pu se glisser dans la peau de Ryan de cette façon. Et puis, cet homme est d'un commerce tellement agréable que c'en est parfois énervant! George est probablement le dernier des grands. Il est talentueux, affable, et fait preuve d'un humour formidable. Il est tellement bon que je deviens moi-même un meilleur cinéaste grâce à lui.»

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Up in the Air (Haut dans les airs en version française) prend l'affiche le 11 décembre.