Depuis plus de 25 ans, le Festival du film de Sundance fondé par Robert Redford attire les cinéastes en quête de visibilité et les ténors d'Hollywood. Un Québécois s'est glissé cette année dans la programmation du plus célèbre festival de cinéma américain. Daniel Grou - notre Podz - présentera ce soir en première mondiale son premier long métrage, Les sept jours du talion.

Rares sont les longs métrages québécois qui se hissent jusqu'à Sundance, le plus célèbre festival de cinéma américain. Marie-Hélène Cousineau et Madeline Piujuq Ivalu y avaient présenté Le jour avant le lendemain, l'an dernier. En 2004, Seducing Doctor Lewis, mieux connu chez nous comme La grande séduction, de Jean-François Pouliot, avait aussi séduit les spectateurs de l'Utah.

Cette année, c'est dans la section Park City at Midnight que Les sept jours du talion - rebaptisé 7 Days dans sa version anglaise - sera présenté. Un rêve qui se réalise pour Podz comme pour la productrice Nicole Robert, qui, pendant six ans, s'est débattue avec le projet, finalement tourné sans l'aide des institutions, et qui s'est déjà trouvé un distributeur américain, IFC.

«C'est extraordinaire. Une sélection à Sundance, c'est une reconnaissance critique et l'achat d'IFC, une reconnaissance de l'industrie: alors oui, c'est merveilleux de commencer la carrière d'un film avec autant d'engouement», s'enthousiasme Nicole Robert (Sur le seuil, Tout est parfait).

C'est en effet sous les auspices de Sundance que l'industrie et la critique se réunissent. C'est par la grâce de Sundance que de jeunes nobody - Steven Soderbergh, Quentin Tarantino, les frères Coen ou encore Paul Thomas Anderson - sont devenus des bonzes de l'industrie. C'est aussi grâce au buzz de Sundance que certains films deviennent de sérieux prétendants aux Oscars: An Education, Precious et (500) Days of Summer ont démarré leur carrière à Park City il y a un an.

Victime de son succès, le Festival du film de Sundance a fait l'objet de critiques sévères au cours des dernières années pour son trop-plein de stars, d'activités commerciales et de premières hollywoodiennes. Les ardeurs publicitaires semblent s'être apaisées avec la crise économique, et si l'on retrouve quelques tapis rouges glamour au programme de la présentation 2010, le festival a effectué un retour vers ses racines, croit Robert Redford.

«La meilleure chose qui puisse nous arriver, c'est de nous rapprocher de nos racines, a-t-il expliqué lors de la conférence de presse d'ouverture du festival. Nous avons eu beaucoup d'obstacles au cours des années, mais nous faisons toujours les choses de la même façon. Ces sont les commerciaux qui font venir les célébrités: mais cela n'a rien à voir avec nous. Maintenant, avec l'économie, au moins ces gens-là ne viennent plus, je l'espère.»

Beaucoup de premiers films

Parmi la centaine de films - documentaires ou de fiction - présentés à Sundance, on retrouve donc en 2010 beaucoup de premiers films. C'est le cas, entre autres, d'Hesher, un film produit par Natalie Portman et réalisé par Spencer Susser. Autres premières oeuvres, celles de Derek Cianfrance, le réalisateur de Blue Valentine, produit par l'équipe de Half Nelson, ou encore du comédien chouchou des critiques, Philip Seymour Hoffman, Jack Goes Boating. Une toute nouvelle section, Next, est quant à elle consacrée uniquement aux films produits avec moins de 500 000 $.

Par ailleurs, la sélection de films et d'installations expérimentales pour la section qui se nomme New Frontier consolide, depuis quatre ans, la volonté du festival de ne pas se concentrer uniquement sur l'aspect industriel du cinéma.

Joseph Gordon Levitt, invité par New Frontier pour sa maison de production Hitrecord.org, n'hésite pas à attribuer à Robert Redford la paternité même du cinéma indépendant américain.

«Avant lui, il fallait travailler avec un major si l'on voulait faire un film qui soit vu. Avec Sundance, les films indépendants ont eu une plateforme de diffusion», croit le comédien, coqueluche du festival de Sundance 2009 pour (500) Days of Summer et héros de Hesher.

Enfin, la section documentaire est marquée par des thématiques sociales et politiques: la fin du mariage gai en Californie - ironiquement supporté par les Mormons, très présents en Utah (8: The Mormon Proposition) -, les réfugiés des changements climatiques (Climate Refugees) ou le micro-crédit (To catch a dollar: Muhammad Yunus Banks on America).

«Nous ne faisons que montrer le point de vue des artistes. Nous ne prenons pas, comme festival, de position politique», relativise Robert Redford.

Plus ou moins indépendant, le Festival de Sundance bénéficie d'un capital de sympathie indéniable de la part du grand public. Soutenu par une armada de 1600 bénévoles venus des quatre coins des États-Unis, le festival affiche déjà complet pour une grande partie des projections. Selon le quotidien américain Variety, la présentation 2010 de Sundance attirera vraisemblablement plus de spectateurs qu'en 2009, année où 40 290 personnes avaient effectué le déplacement jusqu'à Park City, pour les beaux yeux du cinéma.