«Trésor national» pour les uns, «obscène pseudo-photojournaliste» pour les autres, Ron Galella, le «roi» des paparazzi américains, défend son métier, son art et son ego au Festival de Sundance, dans un documentaire irrésistible signé Leon Gast.

Smash His Camera («Détruisez son appareil photo») marque le retour de Leon Gast en compétition à Sundance, quatorze ans après When We Were Kings, un documentaire sur le «combat de boxe du siècle» entre Mohammed Ali et George Foreman en 1974, pour lequel il fut oscarisé.

Ron Galella, autoproclamé «Paparazzi Superstar», a choisi la photographie «car c'est l'art de notre temps», déclare-t-il à l'AFP, dans une galerie de Park City, dans les montagnes de l'Utah, où se tient jusqu'à dimanche le festival de cinéma indépendant.

Après cinquante ans de carrière, de planques interminables, de courses poursuites, et «plusieurs millions» de clichés, il est ravi qu'un film lui soit consacré. «Je l'ai mérité. Cela montre mon oeuvre, mon parcours, mon énergie. Je suis un drogué du travail», dit-il, son appareil photo autour du cou.

Difficile, aujourd'hui, de ne pas éprouver de la sympathie pour cet homme de 79 ans à l'humour ravageur et à l'ego surdimensionné, qui parsème son jardin du New Jersey de plantes artificielles et s'entoure de lapins de compagnie.

«Je m'aime beaucoup, car je suis un artiste. Je suis une sorte d'acteur, je rentre aussi dans l'image», ajoute-t-il, sous le regard attentif de Betty, sa femme et collaboratrice, demandée en mariage cinq minutes après leur rencontre.

Avant de découvrir sa «gentillesse et sa générosité», Leon Gast reconnaît avoir eu du photographe une image «horrible».

«Pour moi, il était ce type avec un appareil photo qui s'immiscait dans la vie de Jackie Kennedy Onassis, notre bien-aimée Première dame!», dit-il.

«Mais je me suis rendu compte que Jackie voulait contrôler son image, qu'on la prenne en photo quand elle le voulait» observe-t-il. «Mais Ron ne travaille pas comme ça. C'est un artiste et il prend sa photo quand ça lui chante».

Jackie Kennedy Onassis fut la proie privilégiée de Ron Galella. Elle le lui rendit bien, en le traînant devant les tribunaux. Condamné à se tenir à distance respectable de son sujet préféré, le paparazzo prendra la sentence avec humour, en sortant un mètre-ruban avant de sortir son appareil.

Avec le même esprit, il portera un casque de footballeur américain pour s'approcher de Marlon Brando, après que l'acteur lui eut cassé la mâchoire en sortant d'un restaurant new-yorkais...

À travers Ron Galella, c'est aussi le portrait d'une époque révolue que dresse Leon Gast, où la relation avec les stars était plus franche et directe.

«Aujourd'hui, c'est devenu triste. Il y a trop de photographes, trop de gens en travers, les gardes du corps, les fans. Il n'y a plus les conditions pour prendre de bonne photos», dit Ron Galella. «Quand je photographiais mes célébrités, j'étais généralement seul avec elles».

À ses nombreux détracteurs, le paparazzi oppose une sincérité désarmante et sa qualité d'«artiste». Un statut que lui reconnaît Leon Gast: «Si vous regardez ses photos de Jackie et que vous les comparez avec d'autres, il est clairement supérieur».

D'ailleurs, si l'artiste ne devait garder qu'un cliché, ce serait celui de Jackie volé un petit matin, depuis un taxi new-yorkais.

Vêtue d'un simple jean, l'ex-première dame traverse la rue d'un pas décidé, les cheveux emmêlés par le vent, et tourne le visage vers l'objectif avec un sourire énigmatique. Une beauté fulgurante.

«C'est ma Joconde», dit Ron Galella. «Elle ne devait pas savoir que c'était moi, sinon elle n'aurait pas souri comme ça».