Quand un réalisateur suédois habitué aux adaptations de romans à succès - comme Chocolat, Cider House Rules et The Shipping News - se penche sur une histoire d'amour américaine pur jus, ça donne Dear Johnde Lasse Hallström, basé sur un livre de Nicholas «The Notebook» Sparks. Rencontre avec ces «chers eux autres».

Le romancier Nicholas Sparks est une mine d'or pour Hollywood. En général, l'adaptation de ses livres est confiée à d'autres, mais le matériel d'origine porte sa griffe et fait mouche à chaque fois. Nicholas Sparks, c'est l'homme derrière The Notebook, Message in a Bottle, A Walk to Remember, Nights in Rodanthe, etc.

Oui, sortez les mouchoirs si vous êtes amateur-trice de ces histoires où amour et larmes se mêlent dans les mêmes draps. Et préparez-vous à récolter beaucoup si vous êtes dans les rangs de ceux qui profitent de la manne «sparksienne»: les adaptations de ses bouquins rapportent en moyenne 56 millions au box-office nord-américain et 100 millions de plus en ventes de DVD.

Cet homme est, à sa manière, l'une des franchises les plus importantes d'Hollywood. Et il en est très fier - mais sur un mode plutôt sympa, a pu constater La Presse lors de rondes d'entrevues tenues à Los Angeles en vue de la sortie de Dear John.

«Je suis un grand fan de l'amour. Ça se reflète dans les histoires que j'écris et où vous allez, toujours, retrouver trois ingrédients: une histoire d'amour qui peut être heureuse, triste ou douce-amère; un personnage que vous allez aimer et... une petite ville de la Caroline-du-Sud - parce que c'est là que j'habite.»

Cette ville-là, celle où il vit, est entourée de bases militaires. Les événements de septembre 2001 ont eu, en ces lieux, un impact direct et visible. «Sur ma famille aussi, précise Nicholas Sparks. Mon cousin était sergent dans les forces armées quand les attentats se sont produits. Il avait servi quatre ans et devait prendre sa retraite au mois de novembre. Il a décidé de rester et de retourner au front.»

Les premiers germes de Dear John se trouvent dans cette décision. Car cette histoire, qui commence avant les attentats et s'étend jusqu'à aujourd'hui, est celle d'un premier et grand et vrai amour entre John Tyree (Channing Tatum), soldat des forces spéciales américaines en permission en Caroline-du-Sud (bien sûr), et Savannah Curtis (Amanda Seyfried), une étudiante idéaliste en semaine de relâche en Caroline-du-Sud (re-bien sûr!). Ils se rencontrent sur une plage. Lui, taciturne. Elle, vive et lumineuse. Les contraires s'attirent. Ce sera le coup de foudre.

«Savannah permet à John de s'ouvrir, lui que la vie a amené à se replier sur lui-même», note Channing Tatum. Parce que John a grandi avec son père, qui souffre d'une forme d'autisme et communique très peu. Pour l'incarner, le toujours excellent Richard Jenkins, qui fait merveille dans la peau de cet homme de peu de mots mais d'une immense richesse.

Père et fils

C'est dans la relation entre ce personnage et son fils que Dear John se distingue vraiment du registre «sparksien». Et Lasse Hallström a su trouver la note juste pour faire vibrer cette corde. «Je comprends la différence entre le drame et le mélodrame et mon défi, dans cette réalisation, était de rester du bon côté de la ligne.» Le bon côté étant celui du drame et non du larmoyant.

Un exemple? Le scénario prévoyait un échange décisif entre John et son père, dans un hôpital.

«Je ne pouvais tout simplement pas imaginer tourner cette scène dans une chambre, raconte le réalisateur. Je les ai donc placés dans un couloir, et ils vivent ce moment d'intimité alors que des gens passent près d'eux, pris dans leurs propres histoires.»

Le résultat est probant. Évite le piège du sentimentalisme. «Lasse fuit ça comme la peste», note Channing Tatum qui incarne ici un soldat pour la troisième fois de sa carrière - il a aussi endossé l'uniforme dans Stop-Loss et dans G.I. Joe: The Rise of Cobra. «Je sais comment le porter, pouffe-t-il, mais je ne suis pas un soldat et je suis content d'avoir eu à en incarner de façon non politique. Parce que ceux que j'ai rencontrés sont les personnes les plus apolitiques qui soient. Ils n'aiment pas parler de ça, ils font leur devoir. De toute manière, Dear John n'est pas un film de guerre, c'est une histoire d'amour.»

Histoires d'amour

Deux histoires d'amour, en fait. Entre un fils et son père. Entre une jeune femme et un jeune homme que la vie séparera. Lui au front, sur lequel il retournera après le 11 septembre 2001. Elle, aux études et à la vie plus courante. Ils resteront toutefois en contact, par lettres.

«Ils sont tellement différents l'un de l'autre, il fallait que la scène de leur rencontre soit lumineuse, qu'elle explique ce coup de foudre», croit Amanda Seyfried. L'actrice tenait tellement au rôle de Savannah qu'elle est allée rencontrer Lasse Hallström à Stockholm pour lui prouver qu'elle pouvait être Savannah. Le réalisateur a craqué: «Amanda est d'une grande intelligence. Elle évite les clichés et les choix évidents, elle est imprévisible.»

«Elle a une façon de s'éloigner de l'émotion qui permet de rendre les choses moins lourdes mais pas moins fortes», ajoute Channing Tatum qui, lui, a été associé au projet avant même qu'un réalisateur n'y soit attaché. Mais Lasse Hallström l'a vite adopté: «Il est capable de lire entre les lignes du scénario et il a un sens de l'humour très subtil. Ce qui me plaisait beaucoup parce que les touches d'humour du film viennent de moi», dit-il avec un sourire.

Mais que l'on se rassure: on demeure dans une histoire de Nicholas Sparks. On a même l'incontournable scène où les amoureux s'embrassent sous la pluie. Serait-ce un autre ingrédient, le quatrième, que l'on retrouve toujours dans ses romans - et les adaptations de ses romans?

Dear John (Cher John) prend l'affiche le 5 février. Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.