Claude Legault avoue avoir eu à jouer des scènes difficiles dans sa carrière, dont quelques-unes «assez costaudes» dans Minuit, le soir, mais jamais encore ne s'était-il frotté à quelque chose d'aussi dur que Les sept jours du talion. «C'est de la job, un cours 401...»

À mille lieues de son personnage dans les téléséries Annie et ses hommes et 450, chemin du golf, Legault se glisse dans la peau d'un père détruit par la mort tragique de sa fillette de huit ans, retrouvée violée et assassinée dans un boisé, près de sa demeure de Drummondville. Incapable de passer à autre chose, ce chirurgien sans histoire montera en catimini une terrible vengeance. Pendant sept longs jours, dans un chalet au fond des bois, il fera payer cher son crime à l'auteur du crime (Martin Dubreuil).

Coup de masse dans le genou, coups de chaîne, étranglement, opération chirurgicale sous l'effet du curare, Bruno Hamel n'aura de cesse de faire souffrir le coupable afin de retrouver un semblant de paix intérieure.

Malgré l'exigence du rôle, Claude Legault avoue l'avoir abordé comme n'importe quel autre. «C'est la même affaire à chaque fois, je me demande toujours si je vais avoir assez confiance en moi pour remplir le rôle. Dans ce cas-ci, j'avais une grosse crainte parce que les émotions de mon personnage sont décrites dans le livre [de Patrick Senécal]. On sait ce qu'il pense, alors que dans le scénario, il ne parle pratiquement jamais, surtout à son agresseur. J'ai dit à Podz [le réalisateur] que je n'avais pas de mots pour me défendre. Il a alors fallu que je me tourne vers un jeu très physique, qui passait par mon visage, mes yeux, ma façon de bouger.»

En effet, sauf dans les derniers instants du film, jamais Bruno Hamel ne souffle mot à l'assassin de sa fille. «Il ne veut pas avoir de contact avec lui, explique le comédien de 46 ans. Il le déteste tellement qu'il ne veut pas lui adresser la parole. Il le considère comme un morceau de viande qu'il va tuer. Inconsciemment, il se dit que s'il lui parle, il va peut-être changer d'idée. Il n'a pas envie de faire naître la pitié. Il a complètement perdu les pédales.»

Une implosion de douleur

S'il y a une scène que Claude Legault a trouvé ardue à faire, c'est celle de la découverte du cadavre de sa fille. Accroupi près d'elle, submergé par la douleur et le chagrin, son personnage devait exprimer ses émotions sans épanchement, avec toute l'équipe de tournage autour de lui.

«Podz ne voulait pas d'une crise de larmes, avance Legault. Il voulait que tout se passe en dedans. Plus une implosion qu'une explosion. Rien à voir avec la scène de Sean Penn dans Mystic River, ou celle d'Al Pacino qui s'effondre dans les marches dans Le parrain 3

Vouloir remettre à l'autre la monnaie de sa pièce, façon plus prosaïque de qualifier ce désir de faire mal à celui qui vous en a fait, est un sentiment qui habite l'homme depuis la nuit des temps. Mais est-ce que l'homme a réellement évolué? «Ç'a toujours été universel, affirme le comédien. Au Moyen Âge, on pendait, empalait ou brûlait vif les coupables au coin de la rue. On s'est créé un système de justice justement pour éviter ces actes. Reste que l'on demeure des bêtes sauvages et que la bête n'est jamais très loin. C'est animal de vouloir venger la chair de ta chair.»

S'appuyant sur les écoles contradictoires de Rousseau et de Machiavel, sur les origines du mal chez l'homme, Claude Legault estime que ce débordement de violence, aussi libérateur soit-il, est loin d'apporter la sérénité à son auteur. Pire, il risque de lui faire perdre son humanité. «Avoir le fantasme de se venger est une chose, passer à l'acte en est une autre.»

Prendre soin l'un de l'autre

Sur le plateau de tournage, Legault dit avoir développé une grande complicité avec Michel Dubreuil, celui qu'il martyrise entre deux gorgées de bière.

«Au début, Podz a eu une idée un peu farfelue : il ne voulait pas qu'on se rencontre avant le tournage afin de créer une certaine distance. Je crois que ç'a m'aurait gelé. J'ai réussi à le convaincre de renoncer. Ceci étant dit, moi et Martin avons développé une grande complicité. Il le fallait, car on aurait pu se faire mal. On a pris soin l'un de l'autre.»