Cinquante ans après sa naissance, Le Petit Nicolas poursuit sa croissance au cinéma. Sous la gouverne du cinéaste Laurent Tirard, l'oeuvre la plus personnelle de René Goscinny, illustrée par Jean-Jacques Sempé, a connu un succès monstre auprès des Français l'an dernier.

 

>>> Lisez aussi: «Valérie Lemercier: dessine-moi un rôle» et «Le Petit Nicolas, c'est lui»

Le Petit Nicolas s'est hissé en tête du palmarès des films français les plus populaires de 2009. Plus de cinq millions de spectateurs se sont rués dans les salles de cinéma afin de voir «en vrai» des personnages avec qui ils ont grandi depuis leur plus tendre enfance.

Humblement, le réalisateur Laurent Tirard, aussi coauteur du scénario (avec Grégoire Vigneron), attribue le succès phénoménal de son film à René Goscinny.

«Il est certain que les livres illustrés sont d'abord à la base de ce succès, a expliqué Laurent Tirard au cours d'une interview accordée à La Presse à Paris. Encore aujourd'hui, il se vend annuellement 300 000 exemplaires du Petit Nicolas en France. Il existe un formidable phénomène de transmission entre les parents et leurs enfants.»

Si elle n'atteint pas celle des plus célèbres personnages de Goscinny, la notoriété du Petit Nicolas est toutefois indéniable. Même si, de l'avis même du cinéaste, il s'agit probablement de l'oeuvre la plus personnelle du créateur d'Astérix.

«La plus belle réussite de Goscinny à propos du Petit Nicolas est d'avoir ramené tout le monde à sa propre enfance, estime-t-il. Il propose aussi plusieurs niveaux de lecture à la fois. Bien des tentatives d'adaptations cinématographiques ont été proposées au fil des ans, mais Anne Goscinny, qui veille désormais sur l'oeuvre de son père, n'avait jamais voulu céder les droits. Elle est encore plus protectrice de ce personnage qu'elle ne l'est de tous les autres.»

Jean-Jacques Sempé n'était pas très chaud à l'idée non plus. Sachant inévitable le passage du livre à l'écran un jour, le dessinateur n'a pas opposé son veto, mais il n'est intervenu d'aucune manière dans le projet non plus.

«Il estimait probablement qu'il était dans l'ordre des choses que Le Petit Nicolas aboutisse au cinéma, mais il y voyait néanmoins une trahison dans le processus, raconte Laurent Tirard. C'est pourquoi j'ai pris comme un compliment ce qu'il m'a dit. Il a trouvé le film beaucoup mieux que ce qu'il avait imaginé!

«Quant à Anne, poursuit-il, nous l'avons convaincue du sérieux de notre démarche dès notre première rencontre. Elle avait reçu beaucoup de propositions auparavant, mais aucune d'entre elles ne la satisfaisait sur le plan artistique. Quand les producteurs m'ont approché pour élaborer un projet d'adaptation, je n'ai pas hésité une seule seconde tellement tout ça relevait pour moi de l'évidence.»

Un lien affectif

Plutôt que de transposer à l'écran des situations déjà décrites dans les livres, Laurent Tirard et Grégoire Vigneron ont préféré inventer un nouveau récit dans lequel seraient greffées des saynètes puisées dans différents tomes. Ainsi, la vie du Petit Nicolas (Maxime Godart) est complètement chamboulée le jour où il entend une conversation entre ses parents (Valérie Lemercier, Kad Merad). L'écolier croit comprendre que la famille s'agrandira bientôt. Une abomination, pour ainsi dire. Nicolas est persuadé que le bébé monopolisera désormais toute l'attention, au point où ses parents n'auront plus le temps - ni l'envie - de s'occuper de lui. Qui sait si, tel le Petit Poucet, on ne l'abandonnera pas carrément en forêt?

«Nicolas est un enfant des années 50, fait remarquer Laurent Tirard. Le modèle familial n'est plus du tout le même et pourtant, les enfants d'aujourd'hui se reconnaissent dans ses aventures et ils adorent ça! Le propos est universel et traverse les époques.»

Sans ne rien trahir de l'oeuvre originale, les artisans se sont évidemment permis de moderniser l'approche en dessinant différemment certains personnages. Notamment ceux de la mère (Lemercier) et de l'institutrice (Sandrine Kiberlain).

«Il y avait quand même un risque, reconnaît le réalisateur. La plupart des gens se sont fait une image du Petit Nicolas alors qu'ils étaient eux-mêmes enfants. C'est dire qu'ils entretiennent déjà avec ces personnages un lien émotif très fort. Il ne fallait pas les décevoir.»

Depuis l'arrivée des films d'animation produits par Pixar, Tirard estime que les cinéastes ne peuvent plus se permettre de concevoir des films uniquement destinés aux enfants.

«Il faut que tout le monde y trouve son compte. Les adultes aussi. L'écriture de Goscinny est très riche à cet égard.»

Pour son prochain film, Laurent Tirard reste d'ailleurs dans l'univers de Goscinny : il assurera la réalisation d'Astérix chez les Bretons, quatrième film tiré des célèbres aventures du plus futé des guerriers gaulois. Aucune annonce n'est toutefois encore faite à propos de la distribution. Je dis que nul ne sait pour l'instant.

Le Petit Nicolas prend l'affiche le 19 février. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.