Ira? Ira pas? Face au peu de visibilité des prix Génie, les Québécois hésitent à soumettre leurs films au gala récompensant chaque année le cinéma canadien. «Les Génie, c'est pas génial», blague Louis Dussault, distributeur indépendant K-Films.

Avec 10 nominations aux Jutra, Dédé à travers les brumes, de Jean-Philippe Duval, sera volontairement absent de la cérémonie des prix Génie, dont les finalistes sont dévoilés aujourd'hui. «Les prix Génie n'apportent rien aux films, ni au Québec ni au Canada», explique le producteur du film, Roger Frappier.

En effet, rares sont les films québécois qui sortent dans les salles canadiennes. Cette année, si Polytechnique et J'ai tué ma mère ont pris l'affiche dans quelques salles - à Toronto et à Vancouver -, le grand champion du box-office canadien, De père en flic, n'a pas été distribué en salle au Canada anglais.

La remise de la Bobine d'or, prix récompensant le film qui a généré le plus de recettes en salle au cours de l'année, est elle aussi «schizophrénique», croit Roger Frappier. «J'ai déjà reçu la Bobine d'or du meilleur box-office au Canada pour un film qui n'était jamais sorti au Canada anglais!» s'étonne-t-il.

En matière de visibilité, les films québécois ont peu à gagner d'une présence aux Génie, plaide-t-il. C'est aussi l'avis du distributeur indépendant Louis Dussault. «Les parts de marché du cinéma canadien au Canada sont de moins de 1 %, alors qu'au Québec, on est à 12 % pour les films québécois», dit-il, en référence à La grande séduction.

La cérémonie n'est même plus retransmise par un réseau de l'importance de CBC, déplore-t-il. «Il n'y a pas de marché au Canada anglais, alors pourquoi est-ce qu'on irait là-bas? Il y a souvent des films qui gagnent et qui ne sont pas sortis en salle. Cela n'a même pas d'effet sur les ventes de DVD», poursuit Louis Dussault.

Autre point sensible pour l'inscription des films québécois aux prix Génie: les coûts, qui peuvent atteindre jusqu'à 3600 $ par film, contrairement aux Jutra, dont l'accès reste gratuit. «Cela nous fait sincèrement mal au coeur de payer pour soumettre un film: on comprend moyennement pourquoi c'est aussi cher», acquiesce Luc Déry, producteur de micro_scope.

Toutefois, Luc Déry soumet systématiquement ses films aux prix Génie. «Ça coûte plusieurs milliers de dollars, mais on trouve qu'on doit ça aux techniciens, aux réalisateurs et aux comédiens», poursuit-il.

Selon lui, les Génie sont, comme les Jutra, plus une question de reconnaissance qu'une question de gros sous.

Remstar espère que la bonne presse de Polytechnique lui permettra de se distinguer, mais la maison de production de Maxime Rémillard veut aussi laisser sa chance à un film inconnu dans le ROC, Les doigts croches de Ken Scott. «C'est la reconnaissance du cinéma canadien: jusqu'à preuve du contraire, on fait partie du cinéma canadien», estime la directrice des ventes de Remstar, Nathalie Brigitte Bustos.

Les finalistes aux prix Génie seront dévoilés aujourd'hui, ainsi que leur télédiffuseur.