Avec deux nominations à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère qui sera décerné dimanche, le cinéma latino-américain confirme sa vitalité et son potentiel de séduction à l'étranger, même si cela ne rime pas toujours avec succès commercial chez soi.

Plus de coproductions, fonds publics, festivals spécialisés, mais aussi des cinéastes mieux formés avec des expériences en Europe ou aux États-Unis : autant d'ingrédients qui ont permis l'éclosion d'une vague de cinéma latino.

Résultat, une moisson de prix sans précédent au festival de Berlin en 2009 avec l'Ours d'Or pour La Teta asustada de la Péruvienne Claudia Llosa et le Grand Prix du Jury pour Gigante d'Adrian Biniez (Uruguay).

En janvier, les latinos sont aussi repartis de Sundance avec trois prix, dont la réalisation et le scénario pour Zona Sur du Bolivien Juan Carlos Valdivia.

Et visibilité suprême, pour la première fois deux films de réalisateurs latino-américains de langue espagnole (hors portugais) ont été mis en nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger : La Teta asustada et El Secreto de sus ojos de l'Argentin Juan José Campanella. En 1998, Brésil et Argentine avaient été mis en nomination, et en 1962, Brésil et Mexique.

Les deux coproductions avec l'Espagne incarnent chacune une veine du cinéma latino, l'une intimiste et l'autre plus commerciale, et deux générations de cinéastes. Llosa, adepte des festivals, signe à 33 ans son deuxième film, tandis que Campanella, 50 ans, est un habitué des succès publics.

En ce début de XXIe siècle, «le cinéma latino-américain traverse une période faste, notamment en Argentine et au Mexique où il a une longue histoire», constate Federico de Cardenas, critique du journal péruvien La Republica.

Depuis 2000, «los tres amigos», les réalisateurs mexicains Guillermo del Toro, Alejandro Gonzalez Inarritu et Alfonso Cuaron ont engrangé succès commerciaux, nominations et prix aux Oscars, tout en étant reconnus par la critique.

Leur compatriote Carlos Reygadas ou l'Argentine Lucrecia Martel sont des habitués de festivals prestigieux comme Cannes.

«La différence c'est qu'il y a des nouveautés dans des pays plus petits, Uruguay, Chili, Colombie, Pérou», poursuit Cardenas.

Toutefois, Cristian Ramirez, critique du quotidien chilien El Mercurio, relève une «contradiction». «Le nombre de prix augmente sans que cette importance artistique ne soit confortée au niveau commercial national».

Si «la politique culturelle des années 90 a révélé au public l'intérêt de se connaître soi-même, il recherche aujourd'hui à nouveau les sensations du cinéma américain», qui domine à 75 % les écrans d'Amérique latine.

«Les festivals ont été un gilet de sauvetage, il est devenu plus important de trouver des coproductions en Europe que de conquérir les spectateurs», regrette Alvaro Buela, directeur artistique du festival de Punta del Este.

Le drame sentimental El Secreto de sus ojos fait figure d'exception avec 2,4 millions de spectateurs en Argentine, un record depuis 35 ans pour un film national.

La Teta asustada, en revanche, s'est contentée de 250 000 entrées, loin des blockbusters américains, mais c'est un joli score pour un film intimiste qui aborde les traumatismes du conflit interne péruvien des années 80.

En Amérique latine, le Brésil a remporté l'Oscar du film étranger en 1960 avec Orfeu Negro du Français Marcel Camus, et l'Argentine en 1986 avec L'histoire officielle de Luis Puenzo.