«Si son idée était faite, son idée était faite. Mais j'aurais aimé lui parler pour l'aider à reprendre espoir comme il m'a aidé à le faire il y a 20 ans.»

Mario St-Amand faisait la promotion du film Lucidité passagère, hier dans le Vieux-Montréal, quand La Presse lui a appris la mort du cinéaste et sociologue Marcel Simard, survenue samedi; il avait 64 ans.

En 1991, Marcel Simard avait réalisé Love-moi, film-choc devenu film-culte sur des jeunes en difficulté. Aux côtés de Germain Houde, qui tenait le rôle de Marcel Simard en travailleur social, Mario St-Amand incarnait Jacques, un jeune toxicomane et «dealer de coke».

«Je venais de me faire mettre dehors de l'option théâtre à Saint-Hyacinthe où ils disaient que je n'irais nulle part à cause de ma voix. Marcel m'a choisi, il m'a écouté - il écoutait deux fois plus qu'il ne parlait: c'est un mode vie, ça - il m'a aimé pour ce que j'étais en me donnant la conviction que je pouvais être utile à la société comme comédien.

«L'engagement social et artistique de Marcel Simard était total. Peut-être n'a-t-il pas assez pensé à lui... Je ne peux pas croire que je parle de lui au passé.»

Marcel Simard était marié à Monique Simard, ancienne syndicaliste, animatrice de télévision et politicienne qui a été nommée en 2008 directrice générale du Programme français de l'Office national du film. Le couple a travaillé ensemble entre 1998 et 2008, Monique Simard occupant le poste de vice-présidente des Productions Virage, maison fondée par son mari en 1985.

Virage a produit de grands documents dont Des marelles et des petites filles, une réalisation de Marquise Lepage, et La femme qui ne se voyait plus aller, de Francine Pelletier, sur la vie de la productrice Micheline Charest, morte à 51 ans des complications d'une chirurgie plastique.

«Monique et Marcel formaient une équipe terrible, très forte», nous dira quant à lui le cinéaste Jean-Claude Labrecque, qui a réalisé trois films produits par Virage: Le R.I.N. (2002), l'histoire du Ralliement pour l'indépendance nationale (1960-1968), dont Pierre Bourgault deviendra le président; À hauteur d'homme qui relate les trois derniers mois de Bernard Landry comme premier ministre du Québec (2003); et Un théâtre dans la cité: le TNM, coréalisé avec Yves Desgagné à l'occasion du 50e anniversaire de l'institution (2004).

M. Labrecque se souviendra de Marcel Simard comme d'un producteur «créatif, toujours de bon conseil, mais discret». «Il travaillait à structurer le film, puis il disparaissait jusqu'au montage. Là, à cette étape fragile où le film peut facilement prendre une mauvaise direction, Marcel arrivait tout le temps avec de bonnes idées. C'était un gars à solutions: aucun problème ne l'arrêtait.»

Jean-Claude Labrecque parle aussi d'un être doux: «Il voulait être l'ami de tout le monde. On le savait très fragile...»

Après plus de 100 films, Virage a déclaré faillite le mois dernier, incapable de remplir ses obligations envers la soixantaine de créanciers à qui la maison devait 1,8 million de dollars. En avril, Marcel Simard s'était associé à l'Équipe Spectra pour former Spectra Virage Média.

Le communiqué annonçant la mort de Marcel Simard - il laisse aussi deux filles - est d'ailleurs venu de l'Équipe Spectra, hier après-midi. La famille demande à ceux qui le désirent d'envoyer leurs dons à la Fondation de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas (www.douglas.qc.ca).

La dernière production de Marcel Simard, Le petit monde d'Élourdes, qui traite de la détresse des enfants, prendra l'affiche le mois prochain.

Mario St-Amand, lui, perd le mentor qui lui avait appris à «dire les vraies affaires» et devra trouver un autre producteur pour son documentaire sur les chasseurs de phoques. «Avec sa sensibilité à l'âme des hommes, Marcel aurait été le gars parfait...»