Quinze ans après la pire attaque terroriste de l'histoire du Japon perpétrée par la secte Aum dans le métro de Tokyo, la veuve d'une des victimes sort un film pour en «transmettre les leçons aux jeunes».

Le 20 mars 1995, des adeptes d'Aum Vérité Suprême disséminaient du gaz sarin en pleine heure de pointe matinale dans le métro de la capitale, intoxiquant plus de 6200 personnes et faisait 13 morts.

Parmi les tués figurait Kazumasa Takahashi, un employé de métro de 50 ans. Sa veuve, Shizue, a réalisé un documentaire mêlant entrevues de survivants, policiers, médecins, journalistes et responsables officiels témoins du drame.

«J'ai pensé que nous devions transmettre les leçons aux jeunes», a expliqué Mme Takahashi, 63 ans, lors de la «première» du film dans un cinéma de Tokyo début mars.

Le documentaire rappelle ce jour où plusieurs stations de métro avaient pris des allures de champ de bataille, avec des passagers paniqués se ruant vers les sorties, au milieu de victimes agonisantes saignant du nez et de la bouche.

Des disciples de la secte avaient organisé l'attaque en déposant des sacs remplis de gaz sarin, plus mortel que le cyanure, dans cinq rames de métro convergeant vers Kasumigaseki, le quartier des ministères.

Leur gourou, Shoko Asahara, professait un mélange de bouddhisme et d'hindouisme mâtiné de visions apocalyptiques. Son culte Aum a compté jusqu'à 11 400 disciples au Japon, dont des chimistes, des médecins et des ingénieurs.

Bien avant l'attaque du métro de Tokyo, la secte avait déjà commis meurtres et enlèvements, fabriqué bombes et armes chimiques, disséminé du gaz sarin dans la ville de Matsumoto, tuant sept personnes. Elle aurait même cherché à utiliser le virus Ebola.

Mais la police n'a pris conscience de la dangerosité d'Aum qu'après l'attentat. Lorsqu'elle a enfin lancé des raids sur ses bases, elle y a trouvé un hélicoptère militaire russe, entre autres.

Dans le film, l'ancien chef de la police au Japon, Takaji Kunimatsu, rappelle qu'avant l'attentat, ses services avaient prévu de perquisitionner les locaux de la secte le 22 mars. Ils n'avaient pas tenu compte d'informations comme quoi Aum allait peut-être tenter quelque chose avant cette date...

«Je n'ai pas de mots pour m'excuser assez auprès des victimes», déclare M. Kumimatsu dans le film.

Après l'attaque, le gouvernement fut accusé de rechigner à aider les victimes, qui ont dû battre campagne pour obtenir davantage de soutien médical et financier.

Jusqu'à l'attentat, «les victimes de crimes étaient considérées comme des êtres d'un autre monde» au Japon, souligne l'ancien procureur général du pays, Keiichi Tadaki, dans le documentaire. «Ceci a montré aux gens que tout le monde pouvait devenir une victime».

Shoko Asahara et douze autres dirigeants de la secte ont été condamnés à mort mais, quinze ans après l'attaque, aucun d'entre eux n'a encore été exécuté. Certains responsables sont encore recherchés.

Le culte qui s'est rebaptisé «Aleph» n'a pas été interdit, au nom de la liberté de religion. Les autorités lui ont toutefois interdit de poursuivre l'enseignement destructeur de l'ancien gourou et surveillent de près ses activités. La figure de Shoko Asahara reste néanmoins révérée parmi les disciples, quelque 1500 personnes au Japon et 200 en Russie.