Auriez-vous pu prédire le record historique de recettes engrangées par le film Avatar, de James Cameron, au box-office? Deux sociétés financières veulent permettre aux investisseurs de parier sur le succès commercial d'un film, s'attirant les foudres des studios de production.


La société Media Derivatives, basée dans l'Arizona, attendait vendredi l'autorisation d'un des régulateurs de marchés américains, la CFTC, pour lancer un nouveau marché, la «Trend Exchange».


Si elle est autorisée, ce sera «la première bourse d'échanges» régulée aux États-Unis à offrir des produits financiers basés sur les recettes engendrées par un film au box-office américain, s'enorgueillit Media Derivatives dans un communiqué.


Selon son fondateur et PDG Robert Swagger, la plateforme permettra de «transférer les risques financiers considérables associés aux grosses productions», sur le modèle des produits permettant aux agriculteurs de se protéger des risques sur leurs cultures en échangeant des contrats à terme sur leurs récoltes de maïs ou de blé.


Concrètement, les investisseurs pourront acheter des titres estimant les recettes d'un film au box-office dans une période limitée encadrant sa sortie dans les salles obscures, et engrangeront pertes ou bénéfices en fonction de la réalité des chiffres.


Une importante société de courtage, Cantor Fitzgerald, est elle aussi sur les rangs pour lancer une plateforme où les contrats débuteraient leur cotation six mois avant la sortie du film, et expireraient un mois plus tard.


Cantor devrait de son côté connaître la décision de la CFTC le 20 avril, peu avant les premières sorties des films à gros budget de l'été, comme Iron Man 2, dont la sortie est prévue le 7 mai aux États-Unis.


«Le nombre de personnes se rendant au cinéma chaque année et qui forgent l'opinion sur un film se compte en dizaine de millions», explique dans un communiqué Richard Jacobs, président de Cantor Exchange, pour expliquer l'intérêt de sa société pour ce genre de produits qui devrait attirer un large éventail d'investisseurs.


Les arguments des deux sociétés n'ont clairement pas convaincu les producteurs. L'Association du cinéma américain (MPAA), contrôlée par les grands studios hollywoodiens dont elle défend les intérêts, ne voit dans ces projets que «l'équivalent économique de paris légalisés sur les recettes de films».


«Les contrats à terme sur les films vont simplement permettre au public de parier sur le succès d'un film au box-office», écrivait l'association dans une lettre datée du 23 mars à la CFTC, demandant au régulateur d'interdire ces produits.


Les producteurs craignent en effet les délits d'initiés, au vu du nombre de personnes impliquées: producteurs, mais aussi réseaux de cinémas, banques, investisseurs, partenaires publicitaires, sociétés de recherche ou encore les spectateurs choisis pour les projections test.


Avoir vu le film avant tout le monde, connaître le budget publicitaire d'un film, autant d'éléments qui peuvent influencer les prévisions de recettes, expliquent les studios.


La période d'évaluation du dossier par la CFTC doit s'achever vendredi, après avoir déjà été prolongée.
Dans une nouvelle lettre datée de jeudi, la MPAA, associée au syndicat des réalisateurs (Directors Guild of America), à des représentants du cinéma et de la télévision indépendants ou encore à des propriétaires de cinéma, a plaidé pour un nouveau report de la décision du régulateur, au 16 avril.