Le scénario de Simon Konianski a été proposé à Jonathan Zaccaï par la maison de production dont est issu Élève libre, film de Joachim Lafosse dans lequel il campait un personnage très sombre. Les deux productions ne pourraient pourtant être plus différentes d’approche et de ton.


Simon Konianski, à qui Zaccaï prête ses traits, est en effet un grand adolescent de 35 ans aux prises avec une famille d’autant plus encombrante qu’il se voit obligé d’emménager chez son père après une rupture amoureuse. À travers les déboires de l’homme, le réalisateur Micha Wald aborde aussi la judaïté sur un mode comique.


«Même si la lecture du scénario laisse entrevoir une partie de plaisir, il reste que (le réalisateur Micha) Wald possède un univers très fort, fait remarquer Jonathan Zaccaï au cours d’une entrevue réalisée à Paris. À vrai dire, j’y vois une vraie radicalité dans l’approche, dans la fabrication même du film.»


Cette radicalité s’exprime notamment dans le choix de l’auteur cinéaste d’entourer le comédien d’acteurs «authentiques».


«Je me suis ainsi retrouvé à donner la réplique à un partenaire de jeu doté d’importants problèmes de surdité, et à une actrice qui faisait ses débuts à l’écran à l’âge de 87 ans! relate Zaccaï en riant. Je ne m’attendais pas à une telle aventure de tournage!»


L’acteur fut quand même plongé dans un univers familier. Il a l’habitude des discussions très animées. Et aussi de cette tendance qu’ont les membres d’une famille à envahir le territoire intime.


«Le trait est un peu grossi, mais à peine! dit-il. On s’aime beaucoup dans nos familles, mais ce n’est pas toujours reposant, comme vous dites chez vous. Il faut parfois savoir couper la ligne du téléphone. En fait, ma famille ressemble tellement à celle du film que j’en ai presque eu un réflexe de rejet au départ. Mais les producteurs et Micha ont insisté. Cela m’a plu. Et puis, jouer dans un film qui a pour cadre ce genre de milieu relevait de l’évidence pour moi. Je suis finalement très heureux d’avoir fait ce film, même si le tournage fut éprouvant.»


Un rapport amour-haine


De son côté, Micha Wald explique que le projet est parti d’une douloureuse rupture amoureuse. En résulte d’abord un court métrage, Alice et moi, dans lequel le personnage de Simon fait son apparition. Mû par un désir de vengeance («Je cultive cette vengeance!» affirme-t-il), le cinéaste accouche d’abord d’un scénario qui n’a rien de drôle. Mais le projet évolue, explore aussi le rapport amour-haine qu’il entretient avec le judaïsme.


Parallèlement à son court métrage, remarqué à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et dans de nombreux festivals, Wald écrit un scénario de long métrage. Qu’il préfère laisser mûrir quelques années. D’où le choix de s’attaquer d’abord au film Voleurs de chevaux, aussi présenté à la Semaine de la critique de Cannes.


«Il est clair que j’ai d’abord voulu écrire Simon Konianski pour les gens de la "troisième génération", celle qui n’a pas de rapport direct avec la Shoah, donc, pas de contact direct avec la souffrance. Nous pouvons parler de la judaïté de façon un peu plus décomplexée, mais nous avons quand même envie de nous y frotter aussi. Parce que ça fait partie de nous.»


Les rapports intergénérationnels souvent conflictuels décrits dans le film suscitent évidemment des réactions particulières auprès des Juifs issus de générations précédentes.


«Ils rient aussi, mais ils ressortent de la projection avec un sentiment plus doux amer, explique l’auteur cinéaste. Pour eux, ce n’est pas simple. L’effet miroir est déformé à leurs yeux. Ils trouvent cela caricatural, tant sur le plan des idées que des comportements. Je vous dirais pourtant que ce film est une espèce de "best of" de mes propres grands-parents!»


Quant à l’origine du fameux humour juif, Micha Wald estime qu’elle se trouve dans des millénaires d’histoire commune douloureuse.

«Dans toute l’histoire du peuple juif, les époques heureuses et prospères sont plutôt rares, fait-il remarquer. L’humour étant le meilleur antidote au malheur, nous avons appris à cultiver l’autodérision. Cela dit, tout dépend aussi du milieu d’où l’on vient. Les préoccupations de Woody Allen ne sont pas du tout les miennes!»
Tout comme pour Voleurs de chevaux, Simon Konianski a bénéficié d’une participation québécoise. La société Forum Films est en effet engagée dans cette production.


«Si tout va bien, mon prochain long métrage sera entièrement tourné dans le Grand Nord, annonce Micha Wald. Je compte adapter un roman de Jack London, un auteur que j’adore. J’espère que ce projet se concrétisera.»


Simon Konianski prend l’affiche le 16 avril.
Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.