Premier Français à entrer en lice pour la Palme d'or, Mathieu Amalric, connu à l'étranger pour avoir joué le méchant dans un James Bond, a dévoilé jeudi Tournée son premier long métrage qui suit une troupe de strip-teaseuses aussi plantureuses qu'effrontées.

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Après la fresque hollywoodienne Robin Hood projetée à l'ouverture, le festival (12-23 mai) entrait dans le vif de la compétition, qui compte deux autres productions françaises.

Dimanche Bertrand Tavernier, 69 ans, briguera la Palme d'or vingt ans après Daddy nostalgie, avec un film d'époque La princesse de Montpensier qui met en scène un trio de jeunes comédiens français, Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel et Grégoire Leprince-Ringuet.

Tout aussi rare sur la Croisette, son cadet Xavier Beauvois dévoilera mardi Des hommes et des dieux qui s'inspire de l'assassinat des moines de Tibéhirine en Algérie en 1996. Il y a quinze ans, N'oublie pas que tu vas mourir lui avait valu le Prix du jury.

Jeudi les festivaliers découvraient Tournée, le premier long métrage coécrit, tourné - et interprété - par Mathieu Almaric, l'acteur fétiche du cinéaste Arnaud Desplechin (Rois et reines, Un conte de Noël).

Inspiré par un texte de Colette, «L'envers du music-hall», le film rend hommage aux artistes du New Burlesque, un type de spectacle de cabaret mêlant érotisme, humour et satire sociale, né aux États-Unis dans les années 1990.

Mathieu Amalric y filme longuement, à la manière d'un documentaire, cinq femmes plantureuses, drôles et désinhibées, une troupe de strip-teaseuses qu'il a lui-même constituée pour les besoins du film.

Dès le début, son film, qui fait la part belle à l'improvisation - et semble tourné à la manière de John Cassavetes -, immerge le spectateur dans l'intimité féminine de coulisses envahies de pots de crème, de boas et de créatures en sous-vêtements, outrageusement fardées.

On y suit, dans leurs propres rôles, les artistes Mimi le Meaux, à l'extraordinaire charisme, Kitten on the Keys, Dirty Martini, Julie Atlas Muz, Evie Lovelle et le strip-teaseur Rocky Roulette.

Ces Américains se sont rendus en France pour une tournée - réellement organisée pour les besoins du film, à l'invitation d'un gérant nommé Joachim Zand.

Mathieu Amalric incarne avec délectation ce producteur miteux, ex-vedette de la télévision, couvert de dettes, chemise ouverte et improbable costume de velours lie-de-vin, qui s'est réfugié dans le monde irréel de la nuit.

Rebelle aux conventions sociales, cet homme sans amarres ne trouve la paix qu'au milieu des «cris de volaille» de ces Amazones à la sexualité débridée.

«Grâce à vous j'ai l'illusion de vivre très vite, de n'emporter avec nous ni regrets, ni remords, ni souvenir» leur dit-il, empruntant les mots de Colette.

«Au départ le New Burlesque est un mouvement lesbien, né vers 1995 avec un groupe qui s'appelait le Velvet Hammer», explique Mathieu Amalric. «Ces filles portent la politique dans leur corps, une résistance au formatage qui n'a pas besoin de mots. Maintenant le New Burlesque a tout de même été un peu récupéré par des canons de Las Vegas aux corps plus conformes».

Mathieu Amalric, qui n'avait réalisé jusqu'à présent que des courts métrages, rend ici hommage à la poésie anachronique et fragile du spectacle de cabaret, où ces femmes livrent au public leur plastique imparfaite, avec générosité et humour.

Sans toujours éviter les longueurs, il capte avec sensibilité la nostalgie des matins blêmes, entre chien et loup.