Styliste hors pair, le cinéaste iconoclaste japonais Takeshi Kitano revient aux films de yakuzas qui l'ont rendu célèbre pour transfigurer le genre avec un long métrage ultra-violent Outrage, présenté lundi en compétition au 63e Festival de Cannes.

> Réagissez au blogue de Marc-André Lussier

En guise de prologue au film, un travelling montre une rangée de berlines noires, devant lesquelles des hommes de main en costume noir aussi, attendent debout, affichant un visage fermé, imperturbable.

Un clan de yakuzas s'est donné rendez-vous et l'un des caïds, Ikemoto (Jun Kunimura) s'est vu accuser par le président du clan (Soichiro Kitamura) de frayer avec un chef rival, Murase (Renji Ishibashi).

Ikemoto demande alors à Otomo (Beat Takeshi, pseudonyme de Takeshi Kitano) d'affaiblir Murase en faisant intrusion dans son territoire.

Otomo va déclencher une réaction en chaîne incontrôlable, un meurtre entraînant l'autre, comme dans un jeux de dominos.

Car dans ces clans de malfrats en perte de vitesse, régis par un vieux code de l'honneur bousculé par la modernité, on se coupe une phalange en guise d'excuses et l'on se montre très créatif dans la manière d'ôter la vie.

Outrage, qui aurait pu être sous-titré «Manuel à l'usage des yakuzas, ou mille et une façons d'éliminer un rival», se mue bientôt en catalogue de sévices de plus en plus «exotiques» : lacérations au cutter, dents arrachées à la fraise de dentiste, décapitation d'un homme expulsé d'une voiture en marche, par la corde qui lui serre le cou...

«Quand j'ai commencé à faire des films j'ai acquis la réputation d'un réalisateur qui faisait des films violents. J'en avais assez de cette situation et j'ai commencé à tourner des films non violents», a expliqué le cinéaste, âgé de 63 ans, au cours d'une conférence de presse.

«Mais alors, on m'a demandé pourquoi j'avais cessé de filmer la violence, alors j'étais un peu perdu et j'ai pensé que c'était le moment d'y revenir», a-t-il ajouté.

Motivé par l'envie de se renouveler, Kitano a affirmé avoir voulu filmer «une histoire relativement simple et directe» avec «davantage de dialogues».

«Si ce film ne marche pas, je reviendrai à des films non violents, parce que ma carrière est fondée sur la répétition, d'un échec à l'autre», a-t-il ironisé.

Takeshi Kitano a notamment signé Hana-bi (1997) qui remporta le Lion d'or à Venise, Dolls (2002) ou encore Zatoichi (2003) le portrait d'un samouraï aveugle, hommage à Akira Kurosawa, qui lui a valu le prix du meilleur réalisateur, toujours à la Mostra.