Un écrivain anglais et une galeriste française se rencontrent en Toscane. Sont-ils amis, mariés, amants? Leurs liens précis nous échappent. Dans Copie conforme, l'Iranien Abbas Kiarostami réalise avec Juliette Binoche et William Shimel, un tour de force en filmant la vanité de vouloir se comprendre pour s'aimer.

> Réagissez au blogue de Marc-André Lussier

«Si les couples pouvaient rester ensemble sans chercher à vouloir comprendre l'autre, leur vie serait prolongée et on n'en serait pas tous réduits à vouloir prendre la fuite», commente Abbas Kiarostami, accompagné de Juliette Binoche, dans un entretien à l'AFP.

Dans le film, qui signe le retour du cinéaste en compétition à Cannes, où il a obtenu la Palme d'Or pour Le goût de la cerise en 1997, un écrivain anglais (William Shimel, baryton qui endosse son premier rôle de comédien au cinéma) donne en Italie, pour la sortie de son dernier livre, une conférence sur les relations entre original et copie en art. Il rencontre une galeriste française (Juliette Binoche), qui vit avec son petit garçon et qui va l'entraîner dans les ruelles d'un village du sud de la Toscane. La jeune femme le fait passer pour son mari, ce qu'il devient.

Le film montre à la fois la vie fantasmée du couple et sa désintégration inévitable.

«Ce couple est indescriptible, innommable et indicible et il l'est pour lui-même. C'est ce qui fait tout le tragique de l'existence et de la relation amoureuse», ajoute le cinéaste.

Ni l'homme, ni la femme n'ont de nom dans le film. La performance des acteurs est d'autant plus remarquable qu'ils s'expriment en trois langues (anglais, italien et français), et que le niveau de langage donne à chaque phrase un sens équivoque. «À partir du moment où il s'agissait d'un écrivain et d'une galeriste il fallait se détacher d'un niveau quotidien du langage. Dans ce niveau de langage il y a une sorte de complexité ou une ambiguïté», commente le réalisateur, disant n'avoir éprouvé «aucune difficulté d'écriture».

Juliette Binoche dit avoir répété chaque soir son italien mais ne pas avoir «construit» son personnage.

«Il ne fallait pas que je m'enferme dans une idée préconçue. Il fallait une mouvance d'émotions possibles. Je voulais être dans un élan donné par le cadrage très spécial qu'Abbas choisissait».

«Cette longueur de temps, presque infini, où à chaque moment il peut se passer quelque chose d'inattendu. C'est dans cet inattendu, cet inconnu que finalement j'ai rencontré le personnage ou que le personnage m'a rencontrée», dit-elle.

Son personnage mène la danse, avec des moments de tension, des disputes, des rapprochements, provoquant les situations qui pourtant lui échappent.

«L'attention, l'écoute, la bienveillance font partie inhérente de ce film. Il n'y avait pas de jugement et tout était bon. On ne savait pas où ça allait mais on y allait ensemble», souligne-t-elle.

Pour l'actrice, cette relation homme-femme ne peut être décrite. «Quand on est dedans, on est dans la transformation, dans une espèce de mise en feu qui dépend du point de vue où l'on se place. C'est toute la question du film».

«Je savais qu'il fallait que je marche sur une faille. S'il n'y avait pas de faille intérieure, il n'y avait pas de film. C'est une espèce d'essai d'amour vers l'autre et à la fois le désespoir de ne pas arriver à aimer. Parce que la question - pour moi fatale - de l'amour c'est: prend-on le risque de se laisser aimer?»