Avec Carlos, un triptyque de 5 h 30 présenté mercredi au Festival de Cannes, le réalisateur français Olivier Assayas livre le portrait complexe du Vénézuélien Ilitch Ramirez Sanchez, célèbre sur la planète entière pour sa participation à des attentats.

Cette oeuvre ambitieuse dotée d'un budget de 14 millions d'euros a demandé au cinéaste français, en collaboration avec l'écrivain Dan Franck, plus de deux ans de préparation nourrie des recherches du journaliste Stephen Smith.

S'attaquer à Carlos, 60 ans, en prison en France depuis plus de 15 ans, n'était pas une mince affaire. Au delà du portrait, c'est tout un pan du terrorisme des années 70 et 80 en Europe et au Moyen-Orient que les auteurs ont retracé.

«La trajectoire même de Carlos raconte une époque, celle d'avant la chute du mur de Berlin. Il a coagulé les visions de l'Est, du Proche et du Moyen-Orient avec les illusions de la génération post-soixante-huitarde», commente Daniel Leconte, le producteur du film.

«Révolutionnaire professionnel» autoproclamé au service, selon l'époque, de la cause palestinienne ou du bloc de l'Est, son nom est attaché à la prise d'otage de ministres de l'Opep à Vienne en 1975 et à une série d'attentats en Europe.

Olivier Assayas et Dan Franck ont construit leur scénario sur un peu plus de deux décennies, de l'apparition dans l'histoire contemporaine de Illich Ramirez Sanchez, dit Carlos, en 1970, à son arrestation au Soudan en 1994. «Le choix était d'être factuel, de suivre Carlos sans complaisance, mais sans en faire un épouvantail», relève Olivier Assayas.

Au fil de l'intrigue menée à un rythme haletant, les contradictions du personnage apparaissent, révolutionnaire internationaliste mais aussi mercenaire avide et opportuniste, grand amateur de femmes.

Le film est servi par une distribution cosmopolite, les acteurs ayant la nationalité et jouant dans les langues des protagonistes. A commencer dans le rôle titre par Edgar Ramirez un jeune acteur de 32 ans, qui parle cinq langues, porte le même nom que Carlos et est Vénézuélien, comme lui: «Il est plus que l'acteur de ce film, il en est la raison d'être», dit Olivier Assayas.

Edgar Ramirez apporte une vérité à son personnage, auquel il s'identifie, allant jusqu'à grossir de 10 kg pour lui ressembler à une époque de sa vie.

L'acteur, dont la carrière internationale a démarré avec Domino de Tony Scott, explique avoir approché des membres de la famille de Carlos, des proches et d'anciennes maîtresses afin de mieux cerner son caractère.

Si le tournage a connu de nombreux rebondissements, il a aussi fait l'objet d'une suite judiciaire. Carlos a tenté en vain de bloquer la sortie du film, jugeant qu'il constituait «une atteinte à son image et à sa présomption d'innocence».

«J'ai lu le scénario, il y a des falsifications volontaires de l'Histoire, des mensonges», a déclaré Carlos à l'AFP depuis sa prison parisienne, où il purge une peine de réclusion à perpétuité prononcée en 1997 pour le meurtre, en 1975 à Paris, de deux policiers et d'un indicateur. Sur la prise d'otages de l'Opep à Vienne en 1975, il a assuré qu'elle avait a été commanditée par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et non, comme le présente le film, par l'ex-président irakien Saddam Hussein.

De son côté, Assayas affirme s'être attaché à ne décrire que «ce qui est avéré par la justice», au risque de non-dits sybillins.

Présenté hors compétition à Cannes mercredi, Carlos doit sortir en salles en France, aux États-Unis et en Allemagne soit dans son intégralité, soit dans une mouture raccourcie de 2 h 30.