Plus glaçant que jamais avec ses violons stridents, le classique du suspense hitchcockien Psycho est montré au Festival de Cannes dans une version inédite au son reconstruit grâce à une technique révolutionnaire, développée par une petite société française.

C'est l'un des évènements de Cannes Classics, programmation de la sélection officielle dédiée aux films anciens restaurés, dont les séances, avec celles du Cinéma de la Plage, sont ouvertes au public pendant le festival.

«Dans la fameuse scène du meurtre dans la douche, à l'origine il ne devait pas y avoir de musique. Mais le compositeur Bernard Herrmann a fait jouer l'orchestre derrière le plateau et Alfred Hitchcock a été séduit», raconte Olivier Attia, PDG de la société Audionamix née en 2003.

«Le problème c'est qu'avec le son en mono du film, on a perdu l'émotion qu'ont ressentie Herrmann et Hitchcock sur le tournage. Avec cette restauration sonore, nous l'avons retrouvée», affirme cet ingénieur de formation.

Autrefois laboratoire de recherche, Audionamix emploie une poignée de mathématiciens très pointus, docteurs en traitement du signal, dont la tâche est de concevoir des algorithmes permettant de séparer les sources musicales.

«Nous récupérons une bande son et au moyen de formules mathématiques, nous élaborons des prototypes informatiques qui séparent le violon, la guitare, la voix et les effets sonores qui la composent. Nous entrons en quelque sorte dans l'ADN du son», précise Olivier Attia.

Décomposer les 149 minutes - dont 46 minutes de musique -, de la bande-son de Psycho (le «de-mixing» disent les professionnels) en 81 «blocs» sonores, eux-mêmes divisés en 378 sources, a pris environ deux semaines.

Puis le studio américain Universal, producteur de ce film de 1960, plus grand succès commercial d'Hitchcock, a procédé au «re-mixing» ou recréation du son qui vise à procurer au spectateur - en salle ou en DVD, Blu-ray - une expérience inédite.

Parfois, ce minutieux travail réserve quelques surprises.

«En décomposant la bande son d'une scène, nous nous sommes retrouvés avec un son que nous n'arrivions pas à identifier. C'est alors qu'une personne du studio qui avait assisté au tournage, s'est souvenue de quelque chose», relate M. Attia.

«Une partie du film a été tournée en été dans un hangar où il faisait très chaud. Les fenêtres étaient ouvertes et des oiseaux sont entrés, que l'on entend distinctement chanter, une fois le son isolé!», explique-t-il.

Le but de cette restauration est de «conférer la qualité des enregistrements d'aujourd'hui aux films du passé».

«Et nous apportons une dynamique au son, qui vous donne la sensation qu'il surgit derrière ou devant vous. On ne peut plus restaurer l'image d'un film et laisser le son d'origine, le spectateur est très déçu», dit M. Attia.

En plein développement, Audionamix a travaillé sur une partie du son du film La vie en rose d'Olivier Dahan, pour lequel la Française Marion Cotillard a remporté l'Oscar de la meilleure actrice l'an dernier. «Nous avons travaillé sur la voix d'Édith Piaf, extraite d'enregistrements originaux. Nous l'avons remastérisée pour obtenir un son pur et spatialisé».

Sollicitée aussi par l'industrie musicale, cette petite entreprise d'une vingtaine de salariés a récemment restauré pour la major du disque Universal, un grand succès du début des années 1940, We'll Meet Again de la Britannique Vera Lynn - qui ponctue avec ironie le Dr. Strangelove de Stanley Kubrick.