Dans Fair Game, Naomi Watts incarne Valerie Plame, l'agent de la CIA dont l'identité fut révélée publiquement par un fonctionnaire de l'administration Bush. Ce film de Doug Liman constitue la seule entrée américaine en compétition.

On ne peut pas dire que l'accueil fut très enthousiaste. Quelques huées se sont même fait entendre à la toute fin de la première projection de Fair Game, thriller politique réalisé par Doug Liman. Trop plaqué, trop explicatif, trop spécifiquement formaté pour un public américain, pouvait-on entendre à la sortie. Pourtant, Fair Game possède quand même des qualités. Notamment celle de rappeler l'une des affaires les plus troublantes survenues pendant le premier mandat de George W. Bush. Inspiré par les bouquins qu'ont publiés tour à tour Joe Wilson et sa femme, Valerie Plame, le scénario s'attarde à décrire les dessous de l'affaire. Et le combat qu'ont dû mener les deux protagonistes pour que la vérité soit exposée au grand jour. Parallèlement, Fair Game est aussi le portrait d'une famille mise en péril à cause de circonstances exceptionnelles.

«Mon père a dirigé la commission d'enquête qu'a menée le Congrès dans l'affaire Iran-Contra, a précisé hier le réalisateur Doug Liman au cours d'une conférence de presse. Je suis donc déjà sensible à ce genre de dossiers. À mon avis, il est plus important qu'une histoire comme celle de Valerie soit connue des citoyens américains que d'identifier les coupables et de chercher vengeance.»

Valerie Plame est un agent de la CIA dont le mari, Joe Wilson, a signé un article dans le New York Times dénonçant les prétentions du gouvernement Bush pour justifier la guerre en Irak, alors commencée depuis quelques semaines. S'étant vu confier la mission d'apporter les preuves d'une supposée vente d'uranium enrichi en provenance du Niger, Wilson était rentré au pays sans les preuves attendues. Il a ensuite eu la surprise d'entendre le Président Bush utiliser quand même cet argument lors de son discours de l'État de l'Union. Peu de temps après, un fonctionnaire révélait l'identité de sa femme à un journaliste du Washington Post.

«Il était à mes yeux important de bien saisir cette femme, a affirmé hier Naomi Watts. J'ai fait beaucoup de recherches, même si plusieurs des dossiers dans lesquels Valerie est impliquée restent confidentiels. Je suis allée la voir plusieurs fois. Nous avons aussi échangé plusieurs courriels. Pour bien rendre la complexité de cette femme à l'écran, je trouvais important de savoir comment elle a vécu ce bouleversement extraordinaire qui a changé sa vie dans tous ses aspects, tant professionnel que familial.»

Un film honnête

Fair Game est un film honnête. Doug Liman, à qui l'on doit notamment The Bourne Identity, a tenté d'insuffler une bonne dose de dynamisme dans sa mise en scène et de mettre un peu de suspense dans une histoire d'espionnage dont on connaît déjà l'issue. Naomi Watts et Sean Penn offrent de leur côté des performances de tout premier ordre. Ce dernier était absent hier, retenu à Washington afin de participer à une commission d'enquête sur l'organisation des secours à Haïti.

«Sean est probablement le plus grand acteur contemporain, a commenté Liman. Sa vie ne doit pas être toujours facile car tout le monde n'attend de lui que des choses extraordinaires.»

Recréer l'état d'esprit

Le réalisateur tient par ailleurs à dire que son film n'est ni militant, ni politiquement engagé.

«Il m'importait plutôt de recréer l'état d'esprit qui régnait dans notre pays à cette époque. J'ai simplement essayé de raconter une histoire, de rappeler que quelque chose de troublant était survenu à ce moment-là. Le film, aussi, interroge. On peut en effet demander pourquoi, pendant ces années-là, la presse américaine a relayé les messages de la Maison-Blanche sans vraiment poser de questions.»

Quand un journaliste lui demande si le réalisateur de The Bourne Identity et de Mr. and Mrs. Smith était le mieux placé pour proposer un film politique, Doug Liman a répliqué: «J'ai quand même fait Swingers! Sincèrement, Fair Game est le genre de film que j'ai envie de faire depuis le début de ma carrière. Un film qui, à mon sens, est à la fois divertissant et pertinent.»

Qu'en pensera le jury?