Au départ, il y a cette histoire vécue par le baron Empain en 1978. L'homme d'affaires d'origine belge a été kidnappé pendant deux mois et amputé d'un doigt - envoyé comme preuve à ses proches - pendant sa captivité. 

«J'étais adolescent à l'époque, rappelait Lucas Belvaux au cours d'un entretien téléphonique tenu plus tôt cette semaine. Je me souviens qu'on suivait cette affaire comme un feuilleton quotidien.»

Ce que Belvaux ignorait toutefois, c'est que le retour du baron au sein de sa famille et de son milieu professionnel fut pratiquement aussi dur, aussi violent que le rapt lui-même. Cet aspect-là a particulièrement intéressé le cinéaste.

«Le baron s'est fait plutôt discret depuis cette affaire, indique le réalisateur de La raison du plus faible. Mais il refait quand même surface dans l'actualité de temps à autre, à la faveur de reportages ou de documentaires réalisés à partir de son récit. Cela dit, j'ai tenu à transposer son histoire à notre époque et à changer les noms. De cette manière, je pouvais conserver une distance, de même que ma liberté d'action.»

Une autorité naturelle

Yvan Attal se glisse ainsi dans la peau de Stanislas Graff, un riche industriel dont la vie s'écroule au moment où, alors qu'il est séquestré, sa vie privée s'étale à la une des journaux, y compris ses frasques extraconjugales avec quelques maîtresses. Répudié par son entourage professionnel, désavoué par ses proches, Graff voit tous ses repères tomber un à un.

Dans l'esprit de Lucas Belvaux, Yvan Attal s'est imposé très vite pour le rôle. Même si l'acteur n'a physiquement aucun point commun avec celui dont l'histoire a nourri le film.

«Au-delà des qualités de jeu, je cherchais un acteur pouvant exprimer des choses qui ne se jouent pas, explique le réalisateur. Cela a à voir avec l'emploi, les choses qu'on dégage naturellement. Yvan a quelque chose d'unique à cet égard, car il est gratifié d'une autorité incontestable. Il a une présence très forte, dominante, qui relève presque de l'arrogance parfois. En même temps, il émane de lui une espèce de mélancolie qui le rend incroyablement fragile. Il est très rare qu'on puisse retrouver ces deux aspects chez un même acteur.»

Attal est allé de lui-même au-delà du rôle. Belvaux ne cache pas en avoir éprouvé un malaise. «Ce genre de choses est difficile, c'est vrai. Il y avait une tension respectueuse sur le plateau, mais une tension néanmoins. Comme une part d'impudeur. La transformation physique d'Yvan était dure. Pour lui, mais aussi pour les autres. Le voir fondre à un rythme aussi rapide nous rendait mal à l'aise. Je n'avais jamais vu un acteur s'investir de la sorte. C'est assez impressionnant.»

La Belgique survivra

D'origine belge, Belvaux affirme par ailleurs ne pas trop s'inquiéter pour l'avenir de son pays natal, malgré les résultats de l'élection de dimanche, qui a vu un parti nationaliste flamand se distinguer. «Ce n'est pas tant le résultat de cette élection qui m'inquiète que la montée des nationalismes en Europe, exacerbés souvent par des discours démagogiques et opportunistes des partis de droite. Là est surtout ma préoccupation. Pour ce qui est de la Belgique, je crois bien qu'elle survivra malgré tout.»

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