Pour Catherine Martin, tout est parti d'une image, imaginée il y a longtemps, alors qu'elle était jeune étudiante en cinéma à Concordia. Celle d'une femme assassinée, une violoniste, avec des gouttes de sang qui perlent au bout de ses doigts...

De cette image horrifiante, revenue en force ces dernières années sans qu'elle sache pourquoi, est né Trois temps après la mort d'Anna, son troisième long-métrage qui l'a conduite lundi soir sur le tapis rouge du Festival international de Karlovy Vary, en compagnie des deux interprètes de son film, Guylaine Tremblay et François Papineau.

Tournée dans l'hiver de Kamouraska, cette oeuvre intimiste s'attarde au chemin de croix d'une femme divorcée (Tremblay) cherchant à se remettre de l'assassinat de sa fille unique, une violoniste promise à un avenir brillant. Ravagée par la douleur, ne sachant plus à quoi ni à qui se rattacher, Françoise retournera dans la maison de ses ancêtres, encore habitée dans son imagination par sa mère et sa grand-mère. Le destin mettra sur sa route son ancien amoureux, Édouard (Papineau), un peintre en rupture avec la société qui la sauvera d'une mort certaine et l'aidera à redonner un sens à sa vie.

Au sujet de ce film épuré, tout en lenteur et en sobriété, la réalisatrice évoque aussi une autre pièce maîtresse du scénario, musicale celle-là, le Quatuor pour cordes no 15 de Beethoven, déclinée en partie en ouverture.

«La première fois que je l'ai entendue, cette oeuvre m'a profondément rejointe, explique Martin en entrevue au Soleil. Sans que je sache pourquoi, la même émotion revenait à chaque écoute. Ce n'est qu'après avoir décidé de l'insérer dans le film que j'ai appris qu'il s'agissait de l'un des derniers quatuors de Beethoven, composé après avoir été guéri d'une grave maladie, comme s'il avait voulu rendre grâce.»

L'art et la nature peuvent servir à mettre un baume sur les plaies de la souffrance et du deuil, croit la réalisatrice de 52 ans. «La nature, la beauté de l'art, ça nous aide à vivre. Dans le film, ça prend la forme de la contemplation de la nature qui permet à Françoise de sortir d'elle-même. Elle est dans un processus de renaissance. Elle découvre qu'il reste encore les possibles de la vie. Je crois profondément au pouvoir de la vie, à la beauté de l'art. Même si c'est dur, il faut continuer à vivre.»

Berceau de nos origines


Pour donner corps à ce récit de souffrance et de larmes, la réalisatrice s'est tournée vers Guylaine Tremblay, croisée sur le plateau de Mariages. «Je connaissais le grand registre de Guylaine, une comédienne exceptionnelle. Elle possède cette extraordinaire faculté que je recherchais d'entrer en elle-même.»

Le choix de la région de Kamouraska comme lieu de tournage n'a pas relevé non plus d'un concours de circonstances. Puisque le paysage et la nature constituent des personnages en soi dans le film, la cinéaste, dont la mère est originaire de la région de Saint-Jean-Port-Joli, cherchait un endroit où le fleuve est à hauteur d'homme. Le retour de la mère éplorée dans son patelin ancestral lui conférait une valeur symbolique. «Le Saint-Laurent, c'est le berceau de nos origines. C'est le sang qui coule dans nos veines.»

Trois temps après la mort d'Anna n'est pas sans faire penser, tant sur le fond que sur la forme, à la trilogie de Bernard Émond (La neuvaine, Contre toute espérance, La donation), le compagnon de vie de la réalisatrice, présent à Karlovy Vary. En conférence de presse, en fin de journée, un journaliste tchèque a d'ailleurs soulevé l'hypothèse d'une certaine filiation entre les oeuvres. «On se préoccupe de questions très proches. Je ne sais pas si on s'influence l'un l'autre, mais on partage des goûts et des façons de voir. Nos films restent différents mais sont liés puisqu'on vit ensemble», s'est contenté de répondre la cinéaste.

Trois temps après la mort d'Anna prend l'affiche au Québec le 13 août.

Les frais de déplacement et de séjour du Soleil à Karlovy Vary sont payés par le Festival international du film et le distributeur K-Films.