Vrai ou faux? Voilà la question que se poseront bien des spectateurs à la fin de la projection de Y'en aura pas de facile. Dans ce film réalisé, scénarisé et coproduit (avec Orange Médias) par Marc-André Lavoie, le personnage de Réjean, incarné par Rémy Girard, fait un récit de sa vie qui semble tout droit sorti d'une biographie non autorisée. Si ses aventures sont en apparence vraisemblables, une question demeure, l'homme nous mène-t-il en bateau? Rencontre avec les artisans de ce long métrage qui se situe à cheval entre l'oeuvre d'auteur et le film populaire.

Tourné avec les moyens du bord, disposant d'un budget d'à peine 500 000$, Y'en aura pas de facile était certainement le titre qui collait le mieux au deuxième film de Marc-André Lavoie, également réalisateur de Bluff. Après plusieurs contorsions monétaires, le jeune cinéaste de 34 ans a tout de même donné vie à son scénario et a réussi un coup de maître en attirant dans sa distribution des acteurs québécois de grande qualité tels que Rémy Girard, Denis Bouchard, Suzanne Clément et bien d'autres...

»»Lisez également La vie des autres.

Résumons l'histoire. Réjean (Rémy Girard) est un biographe qui s'applique, dans ses livres - pour la plupart non autorisés - à enjoliver la vie parfois banale des artistes. Or, le jour où il s'inscrit sur un site internet de rencontres, il se retrouve lui-même confronté à sa propre existence car il doit enregistrer une vidéo pour faire le récit de sa vie. L'homme est bien désemparé mais décide malgré tout de révéler, à la caméra web, différentes petites histoires qui l'ont marqué. Sont-elles véridiques? La ligne entre la vérité et la fiction est bien mince. Voilà le scénario de Y'en aura pas de facile, une intrigue qui n'a par ailleurs pas convaincu les institutions. La preuve: elles ont été plutôt radines avec le projet. Ce dernier n'a en fait bénéficié que d'une enveloppe de 150 000$ remise par Téléfilm Canada pour la postproduction. Un classique pour le cinéaste qui a vécu les mêmes difficultés à l'époque de Bluff, sorti en salle en 2007.

«Y'en aura pas de facile, c'est un film pour lequel c'est très dur d'avoir des sous», admettait Marc-André Lavoie, au cours d'une entrevue avec La Presse, la semaine dernière. «La SODEC (Société de développement des entreprises culturelles) et Téléfilm donnent plus d'argent parfois pour des courts métrages de huit minutes», illustre-t-il.

Pourquoi? «Les institutions ont beaucoup de difficultés à se lancer dans des choses où tu as un nouveau scénariste, un nouveau réalisateur, un nouveau producteur..., ajoute-t-il. Quand elles donnent de l'argent à un producteur reconnu, elles savent bien qu'il ne partira pas aux Bahamas avec, il va livrer dans 99% des cas.»

Mais Marc-André Lavoie n'a pas pris la poudre d'escampette et il a gagné son pari, malgré les contraintes financières. «Au début, je jouais tous les rôles du film!», dit-il en riant. Plus sérieusement, il raconte qu'il a dû se résigner à ne pas utiliser une cabine téléphonique, située près d'une station-service, qui aurait nécessité une demi-journée de tournage à un coût de 12 000$. Un luxe qu'il ne pouvait pas se permettre. «Quand tu es financé, c'est une question que tu ne te poses pas.»

Savoir se faire convaincant

Malgré des moyens restreints, des acteurs de grand talent l'ont suivi dans son aventure en acceptant d'être payés au cachet minimal fixé par l'Union des artistes (UDA). Comment a-t-il réussi à convaincre ces têtes d'affiche, dont l'horaire est souvent surchargé? «Au début, on leur promet des millions! , lance-t-il à la blague. Sinon, j'ai toujours un gun pendant l'entrevue», ajoute-t-il en riant.

Finalement, Marc-André Lavoie répond plutôt que c'est le scénario qui a séduit les acteurs. «Ils lisent le scénario et ils ont du plaisir déjà là.»

C'est également la raison invoquée par la plupart des comédiens interrogés. «Moi, je suis un acteur, mentionne Denis Bouchard, qui incarne le personnage de Philippe, qui est en fait Réjean à une époque de sa vie. Si c'est bon, j'ai envie de jouer. Y'en aura pas de facile, c'est loufoque et c'est réellement une belle idée», dit-il en ajoutant du même souffle qu'il a eu beaucoup de plaisir à travailler de nouveau aux côtés de son ami Claude Legault, avec qui il jouait dans le téléroman, Annie et ses hommes.

«Marc-André pourrait convaincre le pape de jouer dans ses films, ajoute Pierre-Luc Brillant, alias Lucien, qui est aussi l'un des Réjean du film. J'avais vu Bluff et j'avais beaucoup aimé», mentionne-t-il pour expliquer sa décision de se joindre à l'équipe.

Par ailleurs, le fait de raconter différentes histoires, impliquant chaque fois des comédiens différents, a joué en faveur du réalisateur. C'est que les acteurs n'étaient sollicités qu'environ quatre jours chacun, au lieu d'une trentaine, comme c'est souvent le cas pour les rôles principaux dans un long métrage. «Pour 30 jours, c'est dur de mobiliser un comédien qui pourrait perdre une vraie production et gagner un vrai salaire», admet Marc-André Lavoie.

De cette façon, le réalisateur et scénariste -qui avait déjà en tête le visage des acteurs qu'il souhaitait voir dans son film au moment de l'écriture - peut se vanter d'avoir obtenu un taux d'acceptation de 100%. Heureusement pour lui, car il n'avait pas les moyens... de faire des auditions, finit-il par dire.

Oeuvre d'auteur ou film populaire?

Y'en aura pas de facile est plutôt difficile à placer dans une catégorie, estime par ailleurs le cinéaste. «Les gens ne viennent pas dans mes films parce qu'ils prétendent que je fais des films révolutionnaires, croit-il humblement. Ils aiment l'esprit avec lequel c'est fait. Le film est tourné avec une caméra-photo.»

«Au Québec, on est souvent film populaire ou film d'auteur. Moi, j'essaie de viser l'espèce de branche entre les deux. On ne peut pas dire que c'est un film d'auteur et on ne peut pas dire que c'est un gros film populaire. Et j'aime ça.»

Y'en aura pas de facile prendra l'affiche le 27 août.

Qui sont-ils?

Réjean

(Rémy Girard)

Âgé d'environ 60 ans, il raconte sa vie pour une vidéo destinée à un site internet de rencontre.

René

(Emmanuel Bilodeau)

Incarne Réjean sous un autre nom, à la fin trentaine. Notre homme se fait voler son portefeuille dans un restaurant. Pour ajouter au drame, le billet de 6/49 qui se trouve à l'intérieur est gagnant.

Christine

(Suzanne Clément)

Elle joue le rôle de la mère de Réjean. Femme courageuse mais sans le sou, elle cherche désespérément le moyen de gagner sa vie afin de donner une bonne qualité de vie au jeune Réjean.

Nicolas

(David Boutin)

Celui-ci recherche depuis des années, Christine, qui a été sa première blonde à l'âge de 15 ans, Il la retrouve finalement... sur le site internet d'une agence d'escortes.

Marie

(Mahée Paiement)

Grande, blonde et pulpeuse, elle décide de changer d'apparence afin de rencontrer un homme qui s'intéressera à elle pour ce qu'elle est vraiment.

Lucien

(Pierre-Luc Brillant)

Incarne Réjean, sous un autre nom dans la jeune trentaine. Cette fois-ci, il rencontre une fille, Marie, au physique plutôt ingrat. Pourtant, elle lui plaît. Jusqu'au jour où, il découvre sa vraie personnalité.

Philippe

(Denis Bouchard)

Incarne Réjean sous un autre nom, dans la quarantaine. L'homme travaille comme architecte dans une grosse boîte où la pression est forte. Sa femme lui reproche de passer trop de temps au bureau et veut le laisser. Le désespoir s'emparera de lui. Commettra-t-il l'irréparable?