«Mes univers sont toujours complètement oniriques et je ne prémédite jamais mes films», affirme la cinéaste française Catherine Breillat, qui a présenté jeudi à Venise La belle endormie en ouverture d'Horizons, la section parallèle de la Mostra.

> Consultez notre dossier sur la Mostra

«J'attends avec angoisse la première et la deuxième journée de tournage parce que c'est là que le film prend corps», raconte-t-elle dans un entretien à l'AFP dans un jardin à deux pas du palais du cinéma sur le Lido.

«Ensuite c'est le film qui se dirige tout seul, avec ma vigilance quand même», plaisante-t-elle. «Quand on a choisi les acteurs, les dés sont jetés, alors avec des enfants les dés sont encore plus jetés», remarque-t-elle.

C'est en effet une petite fille, Carla Besnaïnou, qui tient le premier rôle dans son adaptation très libre du célébrissime conte La belle au bois dormant.

Comme dans le conte, le film commence par la malédiction de la méchante fée annonçant la mort précoce de la princesse, qui est ensuite transformée en long sommeil par les bonnes fées, mais Catherine Breillat a choisi ensuite d'emprunter un chemin de traverse.

L'essentiel du film est consacré au sommeil de la petite princesse, alors que «le fait qu'elle passe cent ans de rêve représente seulement un quart de phrase entre parenthèses dans le conte», observe la cinéaste, tout de blanc vêtue au milieu de la verdure.

Autre liberté prise avec l'histoire originale: «Moi j'ai choisi qu'elle s'endorme à six ans parce que je trouve qu'à six ans, c'est déjà la belle endormie, on est déjà celle de 16 ans, et d'ailleurs même celle de 60 ans, moi je suis une vieille endormie», ironise cette femme, âgée de 62 ans.

«Tout le destin est dans la façon dont on se forge dans l'enfance. C'était l'enfance que je voulais raconter», souligne-t-elle.

Outre La belle au bois dormant, le film fait également des emprunts, «d'une manière évidente», à Alice au pays des merveilles, mais aussi à La reine des neiges (1844) d'Andersen.

La belle endormie est en outre rempli d'allusions à l'univers de la peinture, de Vélasquez aux grands peintres de l'École du Nord, que ce soit dans la palette de couleurs, les costumes ou encore même le cadrage.

«Ça fait très longtemps que je dis que je me considère comme un peintre. Les peintres transfigurent avec leur regard, leurs cadres et leurs couleurs les paysages, les gens, les portraits», confirme l'auteur de Romance.

Le film a été tourné en haute définition, «avec des effets spéciaux dont la la plupart sont archaïques genre Méliès/Jean Cocteau», dit-elle.

Elle s'est «aussi rendu compte combien c'était agréable de tourner avec des enfants».

«Je ne demande aux acteurs qu'une chose, me surprendre, et les enfants me surprennent tout le temps. Ce serait tellement ennuyeux, un film où l'on sait d'avance ce que l'on va faire. Moi je m'amuse dans la vie, j'ai besoin que tout me surprenne», insiste-t-elle.

Les enfants, «il faut les choisir, avoir une empathie avec eux, qu'ils sentent qu'on les aime (moi je les adore!), et qu'ils jouent, que tout soit amusant. Tout ce qu'ils font est un cadeau qu'ils vous font», se réjouit-elle.

Étiquetée à son corps défendant comme réalisatrice à scandales, Catherine Breillat livre ce jugement sur son film: «Je pense qu'il est pour les enfants, c'est même ce qui va beaucoup surprendre les gens».