La première mondiale d'Incendies, le nouveau film de Denis Villeneuve, aura lieu ce soir à la Mostra de Venise. À quelques heures de l'événement, l'équipe du film est à la fois fébrile et confiante.

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La mise au monde d'Incendies a lieu aujourd'hui. Pour Denis Villeneuve, qui a conçu le film en s'inspirant de la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, c'est une forme d'aboutissement; un moment fort de voir enfin le fruit de sa création exposé à un premier public.

Sélectionné dans le programme Giornate degli autori (Venice Days), qui joue à la Mostra à peu près le même rôle que la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Incendies sera présenté ce soir à la Sala Darsena, une salle de 1300 places. Des quatre grands festivals de cinéma internationaux, celui de Venise était jusqu'ici le seul auquel Villeneuve n'avait pas encore présenté un film.

Arrivé mercredi, l'auteur cinéaste était sous le charme hier quand La Presse l'a rencontré.

«Je ne suis ici que depuis quelques heures, mais ma toute première impression en est une de très grande élégance, dit-il. Tant dans les rapports humains que dans cette volonté de faire du beau. Cela tient au mode de vie des Italiens. Et puis, ça semble beaucoup plus relaxe ici. Je ne sens pas de névrose par rapport au cinéma.»

Toutes les activités de la Mostra ont lieu sur le Lido, une grande île au large de la Cité des Doges.

«C'est un festival très prestigieux, mais il ne semble pas vouloir céder au culte de la vedette ou de l'artifice, observe Denis Villeneuve. Hier, j'ai marché un peu sur la plage et au lieu de trouver des «silicones toastées», comme on en voit habituellement à Cannes, j'ai vu des familles, plein d'enfants, des dames qui portaient des chapeaux; j'avais l'impression d'être dans un film de Fellini. Aucune starlette à l'horizon. Que du vrai. Que de la vie. J'ai trouvé ça formidable!»

Villeneuve doit pourtant gérer ici un horaire assez serré. Rencontres avec la presse italienne au programme hier; avec la presse internationale aujourd'hui; participation à une discussion dont le sujet est la représentation de la violence au cinéma.

Incendies, rappelons-le, relate le parcours de jumeaux qui, à la mort de leur mère d'origine arabe, partent au Moyen-Orient pour honorer ses dernières volontés. Et découvrent alors un pan méconnu de leur histoire familiale, marquée par la guerre. Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxim Gaudette en sont les têtes d'affiche.

«Je m'étais juré de ne jamais montrer un fusil dans mes films, mais Polytechnique et Incendies m'ont obligé à briser ce serment, note Villeneuve. Je déteste la violence. Quand je dois montrer des actes violents, mon plus grand souci est d'éviter d'en faire un spectacle.»

Une petite longueur d'avance

Pour les producteurs Luc Déry et Kim McCraw, de la société micro_scope, le fait de lancer Incendies à Venise laisse entrevoir de belles choses.

«Outre le fait d'avoir été sélectionné dans un grand festival, notre présence ici donne au film une petite longueur d'avance au chapitre des ventes internationales, explique Luc Déry. Au moment où se tiendra le marché du film de Toronto - où il est plus difficile de se démarquer -, nous arriverons avec un film autour duquel circulera déjà une rumeur. Nous n'avons pas encore conclu d'entente pour des ventes à l'étranger, mais Incendies suscite un intérêt certain sur le circuit des festivals. Au Moyen-Orient, il y a trois festivals qui se battent pour l'obtenir: Dubaï, Abou Dhabi et Doha.»

«Un film comme Incendies a besoin d'être vu dans des festivals importants, estime de son côté Denis Villeneuve. C'est un film que j'ai voulu généreux, accessible, mais dont le propos reste quand même dur.»

Parlant de festivals et des rivalités de toutes sortes qui en découlent, Denis Villeneuve n'a guère apprécié la teneur d'un article publié récemment dans un quotidien dont les journalistes sont en lock-out depuis 20 mois.

«Les propos qu'on y rapporte ont été tenus de façon informelle avant l'entrevue et jamais je n'aurais cru qu'ils feraient l'objet d'un article. Je suis en colère contre son auteure.»

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Les frais de voyage ont été payés par les Films Christal.