La carrière d'Incendies ne pouvait s'amorcer de plus belle façon. Le nouveau film de Denis Villeneuve, inspiré de la pièce de Wajdi Mouawad, a en effet reçu à la Mostra de Venise un accueil ému de la part d'un public composé à la fois de professionnels et de cinéphiles. Au générique de fin, les spectateurs - ils étaient plus d'un millier dans la Sala Darsena - ont longuement ovationné l'équipe du film.

Inutile de dire que le cinéaste était ravi. Et très ému. Tout de suite après avoir répondu aux questions du public, Denis Villeneuve, qui est resté dans la salle pendant toute la durée de la projection, a confié à La Presse qu'il n'avait jamais rien vécu de tel.

«Avec un drame intense comme Incendies, il est difficile de déceler le genre d'émotion que ressent le public pendant la projection. Quand le générique de fin a commencé à défiler, je ne savais plus du tout à quoi m'attendre, d'autant moins que les applaudissements étaient plutôt discrets au début. Recevoir une ovation comme celle-là, franchement, c'est bouleversant.»

Rappelons qu'Incendies, présenté hier en première mondiale, a été sélectionné dans le programme Giornate degli autori (Venice Days), une section parallèle un peu similaire à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Dans les couloirs du Palais du Casino, dont on a dû assécher les planchers hier matin après un orage aussi court que violent (et très inhabituel dans les parages!), la rumeur favorable s'est répandue. Une entente avec un grand distributeur italien a d'ailleurs été conclue.

Il est vrai qu'Incendies est un film poignant. Les premières images, qui défilent au son de la chanson de Radiohead You and Whose Army?, montrent de jeunes garçons dont on rase la tête; enfants-soldats dont le destin semble inéluctablement tracé d'avance. C'est la guerre, quelque part au Proche-Orient. Ce conflit sans fin aura un écho très fort au loin. Après la lecture du testament de leur mère, d'origine arabe (Lubna Azabal), des jumeaux québécois (Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette) doivent en effet honorer la volonté de cette dernière et partir sur les traces de leur histoire familiale.

Le récit fait ainsi de nombreux allers-retours, au fil des découvertes que font les deux protagonistes, la plupart très choquantes. Des scènes puissantes ponctuent cette histoire, que Villeneuve filme sans ostentation mais de façon très franche, comme pour mieux retranscrire la nature horrible des faits relatés. Pour qui n'a pas vu la pièce originale de Wajdi Mouawad, l'impact émotif n'en sera que plus grand, d'autant plus que tous les éléments du récit convergent vers un dénouement dont on ne peut soupçonner la résonance intime.

Retrouvant son complice André Turpin à la direction photo, le réalisateur de Polytechnique évite tout effet de style mais accouche néanmoins d'un film d'une grande beauté formelle. Incendies est aussi porté par la performance remarquable de Lubna Azabal (Paradise Now, Exils) de même que par une excellente distribution d'ensemble.

«Wajdi Mouawad m'a fait le plus beau cadeau artistique qui soit, a déclaré Villeneuve aux festivaliers vénitiens. Il m'a dit: «Fais ce que tu veux, je t'abandonne et je ne t'aiderai pas.» C'est la plus belle marque de confiance qu'un auteur puisse donner à un cinéaste!»

Retenu à Paris, où la pièce Incendies sera justement remontée bientôt, Wajdi Mouawad n'a pu faire le voyage à Venise. En revanche, les actrices Lubna Azabal et Mélissa Désormeaux-Poulin accompagnaient Denis Villeneuve. Lubna Azabal avait d'ailleurs du mal à contenir son émotion après la projection; elle venait de voir le film pour la première fois.

Incendies poursuit sa tournée des festivals et s'arrête d'abord ce week-end au très sélect Festival de Telluride. Il sera présenté au Festival de Toronto la semaine suivante. Au Québec, le film prend l'affiche le 17 septembre.

Les frais de voyage aux fins de ce reportage ont été payés par Christal Films et Les Films Séville.