D'un roman de Mordecai Richler mis en images par le réalisateur Richard J. Lewis à une pièce de théâtre déjantée passée à la moulinette de François Ozon, Le TIFF s'est mis à sourire.

> Consultez notre dossier sur le Festival de Toronto

Même si l'adaptation cinématographique du dernier roman de Mordecai Richler semble avoir laissé plutôt froid le jury du Festival de Venise présidé par Quentin Tarantino, l'équipe de Barney's Version ne s'est pas laissé démonté pour autant.

À Toronto, où la première nord-américaine du film s'est déroulée hier, on était encore grisé par l'accueil chaleureux qu'a réservé le public du Lido au film vendredi dernier. En Italie, Richler serait semble-t-il une star. Le producteur Robert Lantos rappelait d'ailleurs une phrase que lui avait lancée le célèbre auteur montréalais après une visite à Rome en 1999: «Il m'a dit: À Montréal, je suis un écrivain. En Italie, je suis une rock star! Et c'est vrai. Nous rentrons tout juste de Venise et nous avons pu nous rendre compte de l'ampleur du phénomène grâce à la couverture à laquelle nous avons eu droit de la part des médias italiens. Le roman de Mordecai est culte là-bas!»

D'où cette décision de déplacer une partie de l'intrigue de Paris à Rome. «Un changement avec lequel Mordecai était d'accord», tient à préciser le producteur. Rappelons toutefois que la majeure partie de l'action de Barney's Version se déroule à Montréal, où le film fut d'ailleurs principalement tourné.

Une longue gestation

Treize ans après la parution du roman et près de 10 ans après la mort de son auteur, l'adaptation cinématographique de Barney's Version voit enfin le jour avec, dans le rôle-titre, l'acteur américain Paul Giamatti. Ce dernier campe le fameux Barney, alter ego de l'auteur, un producteur montréalais impulsif et instable dont la vie est marquée principalement par ses relations avec ses trois femmes (Rachelle Lefevre, Minnie Driver et Rosamund Pike). Dustin Hoffman interprète de son côté le père du protagoniste, un homme à la langue bien pendue.

Giamatti n'a pas du tout caché son appréhension à l'idée d'interpréter un personnage aussi légendaire dans l'imaginaire collectif canadien.

«Voilà un personnage profondément incrusté dans la culture, dont l'histoire est intrinsèquement canadienne, fait remarquer l'acteur. Et vous embauchez un type venu du Connecticut pour potentiellement tout gâcher?»

De son côté, le producteur Lantos s'est senti une double responsabilité: rester fidèle à l'oeuvre originale d'une part; mais aussi honorer la mémoire de l'auteur disparu, lequel a eu l'occasion d'être partie prenante du processus créatif à ses débuts. D'où cette longue période de gestation.

«Chaque fois qu'une nouvelle version du scénario était prête, j'entendais toujours la voix de Mordecai me souffler à l'oreille: Ce n'est pas encore assez bon! Ce n'est pas encore assez bon! Cette obsession a diminué au fil des ans, mais j'entends encore Mordecai me dire qu'il regarde mes moindres et faits et gestes. Et que si je bousille son truc, il me le fera payer le jour où nous nous rencontrerons de nouveau!»

Lantos n'a rien à craindre. Richler serait probablement heureux du film qu'a tiré Richard J. Lewis (Whale Music) de son roman. De facture très classique, Barney's Version capte très bien l'esprit de l'auteur. Un peu plus de folie n'aurait toutefois pas fait de mal. Barney's Version prendra l'affiche chez nous au mois de décembre.

Étonnante Deneuve

Le cinéma de François Ozon sert bien les actrices. Dans Potiche, une comédie déjantée outrancière à mi-chemin entre Sitcom et 8 femmes (sans les chansons), Catherine Deneuve trouve l'un de ses plus beaux rôles. Campé dans les années 70, le récit, tiré d'une pièce de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, relate le parcours d'une femme-trophée à qui personne ne demande d'avis, héritière d'une entreprise dont s'occupe désormais entièrement son mari (Fabrice Luchini). Un concours de circonstances amène pourtant cette grande bourgeoise à devoir malgré elle assumer la direction d'une société minée par de très mauvaises relations de travail avec les ouvriers. Elle y prend goût. Au point de tâter de la politique...

«Aucune vraie politicienne ne m'a inspirée, mais même si c'était le cas, je ne dirais pas qui!» a déclaré Catherine Deneuve lors d'une conférence de presse. «Personnellement, je ne me verrais pas me lancer en politique. Vrai que les politiciens sont parfois de bons acteurs, mais l'inverse n'est pas obligatoirement vrai!»

Potiche réunit l'une des distributions les plus alléchantes de l'année (outre Deneuve et Luchini, Karin Viard, Judith Godrèche et Jérémie Rénier sont de la partie) et nous vaut en outre d'irrésistibles moments entre Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. François Ozon explique ainsi la magie qui passe entre les deux monstres sacrés:

«Cela ne se voit pas au moment où l'on tourne, raconte le cinéaste. Par exemple, j'avais le sentiment que la scène de danse entre Catherine et Gérard était ratée parce que Gérard est arrivé sur le plateau un peu vinifié, sans avoir appris la chorégraphie. Or, la magie de la scène s'est révélée au moment où j'ai regardé les prises. Quelque chose qui se passait dans les regards. Tout était là!»

«Je connais tellement Gérard que je sais m'adapter à lui et lui à moi, a ajouté Catherine Deneuve. Même si la scène a été difficile à tourner, Gérard a été absolument adorable. Et toujours très joyeux. Je crois que ce film lui a fait du bien. Pour moi, ce tournage m'a laissé un grand souvenir.»

Potiche sera distribué au Québec par Les Films Séville. La sortie est pour l'instant prévue au printemps 2011.