La presse américaine encense quasi unanimement le nouveau film de David Fincher relatant les débuts du réseau social Facebook. Malgré les accolades, The Social Network soulève néanmoins quelques questions éthiques.

Le cinéaste David Fincher ne participant pratiquement jamais aux rencontres de presse orchestrées par les studios, la conférence organisée à New York samedi dernier au chic Harvard Club pour souligner la sortie de son film The Social Network s'est déroulée sans lui. En revanche, le scénariste Aaron Sorkin (The West Wing, Charlie Wilson's War) était présent afin de défendre le film sur le plan créatif auprès des journalistes. Autour de lui, des acteurs. Parmi lesquels Jesse Eisenberg, Andrew Garfield et Justin Timberlake.

Librement inspiré du livre de Ben Mezrich The Accidental Billionaires, The Social Network, rappelons-le, est désavoué par Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, un réseau social virtuel qui a pratiquement changé la façon dont les êtres humains entretiennent des rapports entre eux.

Le film fait principalement écho aux déboires du jeune homme, tant sur le plan judiciaire que personnel. Il émane d'ailleurs de ce portrait une très grande ironie puisque Zuckerberg, qui n'avait même pas atteint la vingtaine au moment où Facebook fut lancé dans sa première incarnation, emprunte ici les allures d'un type asocial ayant beaucoup de difficulté à établir de véritables relations avec ses contemporains.

«Ce film relève de la fiction, précise Aaron Sorkin. Mais nous avons quand même tenu à proposer un portrait crédible, résultat d'une recherche sérieuse pendant laquelle plusieurs intervenants nous ont parlé sous le sceau de la confidentialité. Quand on écrit sur un personnage existant, on ne peut ignorer la responsabilité qui en découle. On a pratiquement la vie de quelqu'un entre nos mains. Nous avons tenté d'être le plus fidèles possible à la réalité, en tenant compte de toutes les versions contradictoires que nous avons pu obtenir. D'où cette idée de raconter l'histoire de la naissance de Facebook selon différents points de vue, un peu à la manière de Rashomon

Un héros tragique

Le thème de la trahison est ainsi très présent dans le récit, les alliés de la première heure, parmi lesquels son meilleur ami Eduardo Saverin (Andrew Garfield), ayant traîné Zuckerberg (Jesse Eisenberg) devant les tribunaux.

«Si Mark Zuckerberg n'avait jamais été poursuivi en justice, il n'y aurait pas eu d'histoire à raconter», tranche Aaron Sorkin. Qui, même sans le connaître, affirme avoir développé une véritable affection pour le jeune multimilliardaire au fil de l'écriture.

«À mes yeux, il n'y a pas de méchant dans cette histoire, mais un héros tragique qui, comme il arrive souvent dans ce genre d'histoires, doit payer le prix de son succès.»

Le souci du détail

Déjà galvanisée par les échos extrêmement favorables de la presse américaine, l'équipe affichait une belle forme au cours de cette conférence de presse. Les acteurs, Eisenberg notamment, avaient pu voir le film la veille pour la toute première fois.

«J'ai ressenti hier exactement la même chose qu'au moment où j'ai lu le scénario, a indiqué celui qui avait la lourde tâche d'incarner Mark Zuckerberg. Ma composition du personnage provient d'ailleurs uniquement du scénario. Je le vois comme un génie socialement inapte qui crée cet extraordinaire instrument. Ce type me fascine complètement.»

«Ironiquement, personne parmi nous n'est vraiment adepte des réseaux sociaux! renchérit Justin Timberlake, l'interprète de Sean Parker, fondateur de Napster. Mais le phénomène est fascinant. Et intéressant à explorer. Il faudra toutefois attendre encore un peu, je crois, avant de savoir si ces réseaux virtuels peuvent générer de grandes choses ou pas.»

Reconnu pour sa méticulosité et son souci du détail, David Fincher fait partie de ces cinéastes qui peuvent réclamer de très nombreuses prises en tournant une scène.

«En un sens, c'est très libérateur, affirme Justin Timberlake. Quand j'ai rencontré David la première fois, il m'a fait part de son inquiétude à mon sujet.

«Il craignait que je ne puisse m'adapter à sa méthode. Au contraire. J'adore travailler, explorer, recommencer. Quand on répète un spectacle, on emprunte la même dynamique. Quand on travaille sous la direction d'un as comme Fincher, on est prêt à faire tout ce qu'il demande dans l'enthousiasme. Il est rare de tomber sur un cinéaste dont la préoccupation principale est de passer du temps avec ses acteurs.»

Par ailleurs, Aaron Sorkin déplore le désaveu de Zuckerberg mais le comprend tout à fait. «Je ne serai jamais injuste avec personne, conclut le scénariste. Je souhaite même qu'à la fin du film, le spectateur ait simplement envie de prendre Mark dans ses bras.»

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The Social Network (Le réseau social en version française) prend l'affiche aujourd'hui. Les frais de voyage ont été payés par Columbia Pictures.