Le plus vieux souvenir d'enfance de Michel Monty est d'avoir vu son père s'effondrer sous ses yeux dans la maison familiale. L'homme est mort. Michel Monty n'avait que 3 ans.

Durant de longues années, ce metteur en scène, auteur et comédien a porté cette histoire en lui. L'histoire de cette mort. Mais aussi l'histoire de ses suites. Surtout les silences qui ont accompagné la disparition du paternel.

Il fallait que cette histoire sorte. Un jour ou l'autre. Elle est devenue Une vie qui commence, film mettant en vedette François Papineau, Julie Le Breton et le jeune Charles-Antoine Perreault dans le rôle principal d'Étienne, aîné de trois enfants.

Présenté en première mondiale (compétition des premiers longs métrages de fiction) au Festival international du film francophone de Namur, Une vie qui commence raconte donc l'histoire de Jacques Langevin (François Papineau), médecin omnipraticien et adepte de l'hypnose. Constamment diminué par son père, médecin et président du conseil d'administration de l'hôpital où les deux hommes travaillent, Langevin ne trouve pas le réconfort auprès de sa famille, pourtant unie. Il s'enfonce dans la drogue et en meurt.

Des suites de cette tragédie, la réaction d'Étienne sera fort différente de celle de sa mère (Julie Le Breton). Alors que la jeune femme fait tout pour tourner la page, Étienne veut littéralement recréer l'image de son père. Comme Jacques, il enfile des habits, fume des cigarettes, essaie d'hypnotiser son frère et un de ses amis et, pire encore, puise sans s'interroger dans la boîte de pilules rouges, bleues et blanches de Jacques qu'il a réussi à récupérer.

Réalité et fiction

En entrevue, Michel Monty reconnaît que des pans importants de cette histoire ressemblent à celle des membres de sa famille. Oui, son père est mort alors qu'il était très jeune. Oui, il était médecin et pratiquait l'hypnose. Oui, le silence s'est refermé sur cet homme une fois celui-ci enterré. Oui, il y avait deux garçons et une fille chez les enfants. Et oui, durant de longues années, son père a reposé sans pierre tombale au cimetière.

«Je suis un peu nerveux, dit Monty à l'approche de la sortie du film au Québec, prévue en février 2011, lorsqu'on évoque la réaction des membres de sa famille. Je portais cette histoire depuis très longtemps. Elle n'était pas prête à sortir de moi. Puis, elle s'est imposée comme un genre de nécessité. Je voulais vraiment que mon premier film soit personnel, sur le plan de l'histoire. Il faut se commettre un peu dans une première oeuvre...»

Si l'ensemble de l'histoire est la sienne, il a davantage puisé dans celle de son frère pour forger le personnage d'Étienne. Avec des éléments de fiction, s'entend.

«Qui que nous soyons, on vit des choses dans notre enfance qui nous déterminent, dit Monty. J'ai vraiment l'impression que la mort de mon père et tout ce qui a suivi m'ont déterminé. Par suivi, je veux dire le tabou autour de sa mort et le fait de faire comme si cette personne-là n'avait jamais existé.»

Bourgeois vintage

À noter que le film est situé dans le Québec du début des années 60, identifié à l'effervescence libératrice de la Révolution tranquille. Or, le film de Monty, qui place le spectateur dans un décor bourgeois vintage, nous rappelle que cette décennie n'aura pas été que la caverne d'Ali Baba des idées neuves. Il en a fallu plus que cela pour changer certaines vieilles mentalités.

Il est évident que la détresse de Jacques se nourrit de l'attitude hautaine et lointaine de son propre père, incarné avec conviction par Raymond Cloutier. Incapable de trouver à qui parler de ses maux, Jacques préfère s'en remettre à la pharmacie de l'hôpital.

«C'était une époque où la marginalité était plus difficile à assumer, expose le réalisateur. Aujourd'hui, il y a toutes sortes de ressources pour les personnes en détresse.»

Monty était convaincu que son premier film porterait sur les enfants.

«J'adore les films qui mettent en scène des jeunes, dit-il en énumérant Fanny et Alexandre, La promesse des frères Dardenne et quelques autres longs métrages qui l'ont marqué. J'ai toujours été intéressé par ces histoires-là. Les histoires qui mettent en conflit les valeurs de l'enfance avec les valeurs du monde adulte me touchent beaucoup.»

_________________________________________________________________
Les coûts de ce reportage sont payés par le FIFF.