À l'été 2008, Louise Portal a passé deux mois et demi au Maroc pour le tournage du film Un ange à la mer. Mais au terme de la production, alors que le montage était presque terminé, le réalisateur belge Frédéric Dumont lui a annoncé une mauvaise nouvelle.

«Presque toutes mes scènes avaient été enlevées, se souvient la comédienne. J'ai dit au réalisateur que je n'avais jamais fait de figuration, sauf durant ma première année de travail. C'était une vraie première. Évidemment, pour l'ego de l'actrice, c'est très difficile. Mais, on doit tasser notre ego. On doit respecter les choix de son réalisateur parce que c'est lui qui sait ce qu'il veut faire de son film.»

Dans la vie de Louise Portal, cette histoire n'est pas demeurée à l'état de mauvais souvenir. La comédienne l'a sagement rangée dans le grand bagage de l'expérience. Après tout, elle a 40 ans de métier. Pas mal pour une jeune femme qui, à ses débuts, avait été refusée dans les deux écoles de théâtre alors ouvertes au Québec.

C'est ce mélange de joies et de tristesses, de bonheurs et d'échecs que Louise Portal a partagé cette année avec de jeunes comédiens au Festival international du film francophone (FIFF) de Namur, où La Presse l'a rencontrée.

Avec les comédiens Anne Consigny et Jonathan Zaccaï, le réalisateur et producteur Abderrahmane Sissako et le comédien et réalisateur Patrick Timsit, Louise Portal fait partie des cinq parrains qui rencontrent 20 jeunes comédiens de la Belgique et de la francophonie (dont le Québécois Benoît McGinnis) dans le cadre de l'événement 25 ans, 25 talents. Comme son nom l'indique, le projet est associé au 25e anniversaire du FIFF.

Démystification

Pour Louise Portal, aujourd'hui encore, on doit démystifier le travail de l'acteur. «Lorsqu'on voit un film, notre travail est terminé, achevé, dit-elle. Et on n'a pas idée, dans le public comme dans l'industrie, du travail que nous accomplissons.»

Elle donne en exemple le tournage de la série Tabou avec Germain Houde. Pendant une semaine, le plateau s'est déplacé à Cuba où son personnage (Manon) était à la recherche de sa fille dans la brousse. La comédienne estimait qu'il était important que l'équipe amène une coiffeuse et une maquilleuse, et ce, en dépit des budgets très serrés.

«Les gens du costume, de la coiffure et du maquillage sont importants pour nous, défend-elle. Ils nous permettent de passer de notre état de vie personnel à l'état de vie du personnage. Ce qui n'est pas évident tous les jours. Et ce sont eux qui font le lien entre le personnage, le plateau et nous.»

Elle va plus loin en disant que ces travailleurs constituent non seulement les accompagnateurs physiques mais aussi psychologiques des acteurs durant le tournage.

L'humilité

Dans ses rencontres avec les jeunes acteurs, la comédienne entend beaucoup insister sur l'expérience à tirer des échecs. Et de l'humilité à cultiver. Selon elle, les échecs permettent aux jeunes de jauger jusqu'où ils sont prêts à aller pour faire ce métier. «Sommes-nous préparés à traverser les intempéries, à essayer les refus, à vivre toutes ces attentes pour accomplir ce qu'on souhaite faire? Ce sont les questions à se poser», estime-t-elle.

Comédienne de 33 ans qui compte déjà 10 ans de métier, la Belge Christelle Cornil fait partie des 20 jeunes comédiens invités à ces rencontres avec les parrains. Qu'attend-elle de ce parrainage? «Je vois cela comme un échange de sensibilités et d'expériences, dit-elle. On peut y trouver des clés pour avancer dans le travail.»

Le métier est parfois dur et apprendre de ceux qui ont du vécu a un côté apaisant, ajoute la jeune femme qui a une feuille de route impressionnante (dont OSS 117, Julie & Julia, My Queen Karo) et qu'on verra bientôt au Québec dans le film Illégal d'Olivier Masset-Depasse.

Aux parrains, elle veut demander comment ils abordent leur travail, comment ils accompagnent un film, ou encore, à partir de quels critères ils choisissent un projet parmi les propositions reçues.

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Les coûts de ce reportage sont payés par le FIFF.