Nightmare on Elm Street, The Last House on the Left, The Hills Have Eyes: Wes Craven manie l'art de terrifier depuis des décennies. Pourtant, en personne, l'homme est charmant, affable et drôle. Rencontre avec un gentleman.

«Si vous voulez grandir en tant que créateur, vous devez continuer à créer.» Une vérité de La Palice, oui, mais que les créateurs, happés par la vie, oublient parfois. Quand elle les frappe, c'est de plein fouet.

C'est ce qui est arrivé à Wes Craven le jour où, horreur (l'expression est de mise pour lui!), il s'est aperçu qu'il ne s'était pas accordé «la totale» depuis longtemps: écrire puis diriger un film original. «J'ai réalisé des films écrits par d'autres, j'ai participé au remake de plusieurs de mes films, mais je m'ennuyais de l'écriture. Surtout quand je me suis rendu compte qu'il fallait autant de temps pour faire ces remakes correctement que pour développer une idée originale!» a indiqué le réalisateur, souriant et affable, lors d'une rencontre de presse le week-end dernier à New York.

Il s'est donc tourné vers lui-même, vers son passé, pour le tordre, le déformer, en amplifier les angoisses. Et il accouché de My Soul to Take. L'histoire d'un groupe d'adolescents vivant à Riverton, village du Massachusetts où ils sont connus sous le nom des «Riverton Seven». Parce qu'ils sont nés il y a 16 ans, la nuit où le Ripper, tueur en série qui sévissait en ces lieux, a péri.

Il se trouve que cet homme, aussi père de famille doux et attentionné, souffrait de personnalités multiples. L'une d'entre elles éventrait les gens sans que l'autre, l'«officielle», ne s'en souvienne. Jusqu'à ce qu'elle tombe avec l'arme du crime. La suite tombe sous le sens - et le sang.

Bref, les sept adolescents nés cette nuit-là possèdent supposément chacun l'une des personnalités du tueur. Lequel est le Ripper?

Figure paternelle trouble, milieu fermé: voilà une mise en place et un décor classiques, mais là se trouvent aussi les souvenirs utilisés par Wes Craven pour ce film qu'il dit «ne pas voir comme le début d'une nouvelle franchise». «Mon père était un homme mystérieux, que j'ai peu connu. Il était peu à la maison, car il avait deux boulots et il est mort quand j'avais 4 ans.» Le cinéaste se souvient toutefois d'une présence, d'une atmosphère qui changeait dans la maison. Il se rappelle aussi son enfance et le début de son adolescence, vécues sous la rigueur des baptistes. Une vie sous le signe de l'innocence jusqu'à ce qu'il arrive au collège. Et que le monde lui saute au visage, avec ses reliefs et ses rugosités.

Jeunes comédiens

Le réalisateur a utilisé cela comme terreau pour My Soul to Take, où l'on suit en particulier un garçon surnommé Bug: «Il nous fallait un jeune acteur capable d'exsuder la plus pure innocence au début puis de passer par des moments de doute et, peut-être, de folie mentale», raconte le réalisateur. Qui l'avait trouvé. «Il a attrapé la mononucléose le jeudi avant le début du tournage.»

Ainsi Max Thieriot (Jumper) est-il arrivé en catastrophe sur le plateau. Il était prêt. Avait revu Edward Norton dans Primal Fear et Brad Pitt dans Fight Club. Était formé au film d'horreur, qu'il ne consomme pas en quantité, mais «certains, comme Psycho, j'adore», a-t-il dit lors d'une rencontre avec les médias en compagnie d'Emily Meade (Twelve) qui incarne sa soeur, Fang. Bien (sur)nommée, car elle a les dents longues, cette jeune fille qui fait la pluie et le beau temps à l'école: «Elle est celle que j'aurais voulu être à cet âge-là, admet la comédienne. Mais dans les faits, j'étais vraiment misérable. J'ai mis pas mal de ma colère dans ce personnage.»

Tous deux ont été surpris par le caractère doux, la gentillesse et le sens de l'humour du mythique Wes Craven. «Je ne suis pas mes films, tout simplement, rappelle le réalisateur. Pour les écrire, les réaliser, je fouille en moi, dans des zones d'ombre très profondes. J'essaie d'y trouver ce que je ferais, comment j'agirais si j'étais un tueur. Puis j'en ressors aussitôt parce que je peux vous dire que ce n'est pas un endroit confortable.»

À preuve, il a filmé My Soul to Take de façon traditionnelle - et a accepté, à la demande du studio, de le convertir en 3D. Supervisant le tout, image par image, scène par scène. «Qu'on le veuille ou non, qu'on aime ou pas, on s'en va vers ça.» Et à 71 ans, il est trop jeune pour refuser d'explorer d'autres horizons.

My Soul to Take (Prends mon âme) prend l'affiche aujourd'hui. Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.