Un nouveau documentaire québécois sur l'interrogatoire d'Omar Khadr par des agents canadiens des services d'espionnage fera partie des déclarations finales de ses avocats dans le cadre de son procès pour crimes de guerre, ont annoncé les réalisateurs.

L'avocat canadien de Khadr, Dennis Edney, a transmis la nouvelle aux réalisateurs Luc Côté et Patricio Henriquez lorsqu'il a assisté à la première de Vous n'aimez pas la vérité au Festival du nouveau cinéma.

Sans prétendre que son film aura un impact sur l'issue du procès, M. Côté pense que certaines personnes pourront au moins voir ce qui s'est passé et qu'elles pourraient être touchées au point d'avoir de la compassion et une plus grande compréhension.

Le Bloc québécois a également organisé une projection pour les députés à Ottawa, qui aura lieu mercredi.

De son côté, M. Henriquez a précisé que Stephen Harper avait été invité, mais l'entourage du premier ministre n'a pas confirmé si M. Harper serait bel et bien présent.

Khadr a vu le film avant la première montréalaise de jeudi, selon M. Henriquez. M. Edney a confié aux réalisateurs que son client avait visionné le film avec attention, mais n'avait rien dit après la fin de la projection.

Le film prend l'affiche au même moment où des rapports font état d'une entente qui verrait Khadr plaider coupable, apparemment en échange de la possibilité de purger la majeure partie de sa peine au Canada. Les avocats de l'accusé n'ont pas commenté l'affaire, se limitant à dire que des négociations étaient en cours. Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a indiqué qu'il n'y avait pas d'entente.

Natif de Toronto, Khadr est détenu à la fameuse prison de Guantanamo à Cuba depuis huit ans. Il est accusé d'avoir tué un soldat américain en Afghanistan lors d'un combat en juillet 2002. Il avait alors 15 ans.

Ce meurtre est considéré comme un crime de guerre car le soldat était apparemment un médecin, bien que les réalisateurs prétendent que le soldat - qui avait reçu un entraînement médical - agissait principalement en tant que commando des forces spéciales.

Fils d'un supposé financier d'al-Quaïda, Khadr est également accusé d'avoir offert un soutien matériel au terrorisme.

Poursuivre Khadr, maintenant âgé de 24 ans, pour de prétendus crimes de guerre commis alors qu'il était un adolescent a suscité une condamnation presque unanime de la part de groupes légaux et de défense des droits

L'affaire Khadr suscite la division au Canada, certaines personnes l'appuyant et d'autres l'accusant de terrorisme et affirmant qu'il doit moisir en cellule.

MM. Côté et Henriquez n'ont pas eu droit à un financement public pour leur film, qui a été soutenu par la chaîne Canal D. Le documentaire a également été refusé par plusieurs festivals canadiens de cinéma.

Les coauteurs sont actuellement en négociations pour une diffusion télévisée d'une version abrégée.

Le film, qui se base sur les enregistrements vidéo des interrogatoires de l'interrogation de Khadr à Guantanamo Bay entre le 13 et le 16 février 2003, est une récapitulation convaincante de l'affaire.

Le long métrage vient principalement de sept heures d'enregistrement d'interrogatoire dont la publication a été ordonnée par la Cour suprême du Canada en 2008. Ce même tribunal a statué cette année que les droits de Khadr avaient été violés.

Les enregistrements démontrent un changement dramatique de son comportement au fil du temps.

Lorsqu'il rencontre les agents du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), il est joyeux, croyant qu'ils sont là pour l'aider à sortir de prison.

Mais son attitude change rapidement alors qu'il est abasourdi par les interrogations subséquentes, lorsqu'il comprend que les agents sont là pour lui soutirer de l'information.

Il devient ensuite plus méfiant et change son témoignage, les échanges se détériorant jusqu'au point où les agents le supplient de leur donner quelque chose qu'ils peuvent utiliser.

Les deux réalisateurs ont déclaré qu'ils avaient été choqués par les actions de l'interrogateur, que M. Côté a décrit comme sarcastique, et poussant les limites, voire effectuant de la torture psychologique.

M. Henriquez a dit que l'agent non-identifié du SCRS semblait ne pas être intéressé par ce que Khadr avait à dire.

«Dans plusieurs parties de l'enregistrement, nous voyons que l'homme n'est pas intéressé à savoir ce qu'Omar tente de lui dire. Il suggère même des réponses.»