«Tourner avec ces gens a fait de moi une bien meilleure personne. J'ai appris la solidarité et j'ai arrêté de me plaindre. Ils m'ont surtout montré que, dans la vie, tout était possible.»

Leon Gieco se fait intarissable quand vient le temps de parler du documentaire Mundo Alas, qui sera présenté cet après-midi au FNC. Chez lui en Argentine, l'homme est surtout connu pour sa longue carrière de chanteur engagé. Mais cette fois, il est venu à Montréal pour parler du film qu'il a coréalisé avec Sebastian Schindel et Fernando Molnar.

Entre road-movie, rockumentaire et essai sur la marginalité, Mundo Alas raconte comment Gieco a parcouru l'Argentine avec une improbable troupe de musiciens handicapés, comprenant une chanteuse aveugle, un guitariste hydrocéphale, un homme-tronc joueur d'harmonica, un chanteur atteint de paralysie cérébrale, un danseur en chaise roulante, une troupe de danseurs de tango trisomiques et deux peintres hémiplégiques.

Cette aventure, qui date de 2007, ne devait être que de courte durée. Elle s'est finalement soldée par une tournée de 50 spectacles, un album live et 18 émissions de télé qui sont aujourd'hui utilisées en Argentine à des fins éducatives. Quant au film, il a déjà remporté une quarantaine de prix internationaux, ce qui en ferait le documentaire le plus primé de l'histoire du cinéma argentin.

«Au début, les gens ne voulaient rien savoir du film, lance Leon Gieco. Mais petit à petit, ils ont commencé à aller le voir. Chaque séance se terminait par une ovation. Je ne saurais trop expliquer ce qui nous touche là-dedans, mais je pense que cela nous dépasse de voir toutes ces énergies et, surtout, tout le bonheur qui irradie de ces musiciens inconnus.»

L'expérience peut soulever sa part de questions. Quelle pertinence, quelle utilité et, surtout, quelle part de pitié dans le succès de ce petit film que Gieco lui-même qualifie de «cinématographiquement modeste»...

Résultat éloquent

Mais le résultat n'en demeure pas moins éloquent. Loin de tomber dans la complaisance, ce freakshow contemporain fait plus souvent sourire que pleurer. Fait intéressant, Mundo Alas est le troisième groupe de musiciens handicapés à faire parler de lui à Montréal cette année après Rudely Interrupted, d'Australie, et le Staff Benda Bilili, du Congo. Tendance ou coïncidence? Gieco hausse les épaules. «Ce que ça me dit, moi, c'est que ces personnes sont comme nous.»

Et cette belle histoire ne semble pas terminée, puisque la plupart des membres de Mundo Alas poursuivent aujourd'hui leur petit bonhomme de chemin. Maxi, chanteur atteint de paralysie cérébrale, et Pancho, homme-tronc, ont respectivement deux et quatre CD à leur actif. Carina, chanteuse aveugle, est en train de terminer un livre de contes pour enfants, Carlos, peintre hémiplégique, a obtenu un contrat de peinture pour une pub de foot avec Nike, alors que les chorégraphes trisomiques ont été invitées à enseigner le tango en France.

Et Leon Gieco? Il est revenu à sa carrière solo. Le chanteur se produira justement ce soir, pour la première fois au Québec, au centre des arts KOSA. Mieux vaut tard que jamais pour ce «Bob Dylan argentin», qui compte 40 ans de carrière, autant d'albums enregistrés, 1250 chansons originales et qui s'est produit sur les scènes sud-américaines avec Bruce Springsteen, Sting ou Tracy Chapman.

L'auteur-compositeur-interprète, qui a dû s'exiler de 1978 à 1982 pendant la dictature argentine, a souffert de boycottage médiatique sous le gouvernement néo-libéral des années 90 et gardera toujours l'âme rebelle. Il se dit enfin réconcilié avec son pays. Ou presque. «C'est le meilleur moment que j'ai jamais vécu en Argentine, conclut-il. Attention, je dis seulement que c'est mieux. Notre gouvernement a enfin plus de sensibilité.»

_________________________________________________________________
Mundo Alas est présenté à 13h au cinéma Quartier latin.