On ne compte plus les histoires où un homme apprend sur le tard qu'il est le géniteur d'un enfant maintenant adulte. Imaginez le choc d'un homme qui découvre qu'il est le géniteur de 533 enfants! C'est en poussant à l'extrême l'idée de la paternité que Ken Scott et Martin Petit on écrit le scénario de Starbuck, actuellement en tournage.

Leur amitié et leur collaboration professionnelle remontent à l'époque des Bizarroïdes, mais Ken Scott et Martin Petit n'ont jamais perdu le contact. «Nous sommes tous les deux dans la quarantaine, nous avons des enfants, nous en discutons, explique Ken Scott au bout du fil. Nous avions envie de parler de la paternité d'une certaine façon. Martin est arrivé avec l'idée d'un homme qui aurait donné son sperme à une clinique de fertilité. Être père, ce n'est pas seulement être spectateur, on a un rôle à jouer.»

Starbuck, inspiré du nom du célèbre taureau fertile canadien, est le nom de code d'un géniteur (Patrick Huard) particulièrement prolifique dans les cliniques de dons de sperme. Un jour, environ 200 des 533 enfants qui portent la moitié de son code génétique entament des poursuites afin de connaître l'identité de leur père biologique. Un choc brutal pour un homme de 42 ans qui refuse d'assumer ses responsabilités...

«Quand on raconte la prémisse, la première réaction est le rire, dit Ken Scott. Mais en même temps, il s'agit d'interroger la paternité. Si c'était l'inverse - si c'était possible -, on rirait moins qu'une femme puisse avoir 533 enfants. Cela nous permet de parler de la paternité d'un point de vue très moderne. Les cliniques de fertilité sont une problématique tout à fait réelle, c'est un peu le Far West là-dedans, et il y a de véritables questions éthiques à se poser.»

Le choix de Patrick Huard dans le rôle principal s'est imposé d'emblée pour Ken Scott. «Nous avons le même âge, nous avons commencé en même temps, j'ai tout de suite pensé à lui. Il est à la fois capable de jouer la comédie et de bien comprendre le drame.» Huard est secondé par Julie Le Breton, ainsi que par une ribambelle de jeunes... Ken Scott a dû redoubler d'ardeur dans les auditions pour dénicher les enfants de Starbuck.

«C'est l'autre aspect qui m'excitait beaucoup dans ce projet, souligne-t-il. Les enfants de Starbuck ont tous de 17 à 20 ans. Ça m'a donné l'occasion de rencontrer plein de jeunes acteurs qui sortent des écoles de théâtre, j'ai vu plein de spectacles de finissants. Je suis ravi de travailler avec ces jeunes-là qui en sont à leur première expérience sur un plateau.»

Il s'agit de la deuxième réalisation de Ken Scott après Les doigts croches, lui qui nous avait donné les scénarios de La grande séduction et de Maurice Richard. «Pour Les doigts croches, j'ai tourné en Argentine, je me sentais en voyage, mais je constate que, même si je tourne maintenant à Montréal, je me sens toujours en voyage. Les journées sont tellement longues et intenses, la production est tellement prenante, je me sens déconnecté du monde. Je ne suis au courant de rien tellement je suis dans l'univers de mon film. Si on déclarait l'indépendance du Québec, je ne le saurais même pas...»

Maintenant qu'il tourne ses propres histoires, est-il tenté de garder toutes ses idées de scénarios pour lui? «Si j'ai une très bonne idée, je vais penser à moi en premier, c'est sûr. Mais ce qui m'allume aussi, c'est d'avoir des complices. Je serais prêt à écrire pour un autre, et je serais prêt à tourner le scénario d'un autre. Mais pour l'instant, je suis incapable de penser à un autre projet, je suis trop investi dans celui-ci...»