Pour combler son envie de légèreté, François Dupeyron a réuni dans son nouveau film plusieurs thèmes jugés «sensibles» pour en montrer la face plus lumineuse.

Au Québec, nous n'avions pratiquement pas eu de ses nouvelles depuis qu'il avait porté à l'écran le roman d'Éric-Emmanuel Schmitt Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Inguélézi, drame social dans lequel une femme tente d'aider un clandestin d'origine kurde, reste inédit chez nous. Aide-toi, le ciel t'aidera, qui aborde aussi des thèmes sociaux - mais de façon plus légère - n'est pas un «nouveau» film à proprement parler non plus.

Sortie il y a tout près de deux ans dans l'Hexagone, cette comédie dramatique ne pourrait pourtant mieux s'inscrire dans l'air du temps, au moment où les questions d'identité nationale et d'immigration restent à l'avant-plan dans la société française.

«Quand on parle des gens d'origine étrangère - surtout ceux qui ont une couleur de peau plus foncée - et quand on parle de la banlieue, le discours est toujours le même, faisait remarquer l'auteur cinéaste au cours d'une entrevue accordée à Paris il y a quelques mois. Or, la réalité est bien plus complexe que celle qui est véhiculée habituellement. J'ai voulu emprunter un ton différent pour aborder ces questions.»

La faute des Anglais!

Cette approche, curieusement, est due à l'anglais déficient de François Dupeyron. Ce dernier raconte en effet en riant que pour mieux se familiariser avec la langue de Shakespeare, il a revu la comédie britannique Four Weddings and a Funeral. Il ne s'attendait pourtant pas à ce que l'idée d'Aide-toi, le ciel t'aidera soit inspirée par le film qu'a réalisé Mike Newell.

«J'avais envie de parler des gens d'origine étrangère et de la banlieue, oui, mais j'avais aussi envie de légèreté. Or, on n'associe pas obligatoirement ces thèmes-là aux comédies, surtout quand on campe une intrigue dans les cités. J'ai tout de suite vu l'image d'une femme qui pleure lors d'un mariage et du contraste découlant de cette situation. Alors que tout le monde croit qu'elle pleure de joie parce que sa fille se marie, ses larmes cachent un autre drame.»

Le récit d'Aide-toi, le ciel t'aidera repose ainsi sur un quiproquo, l'héroïne, Sonia (Félicité Wouassi), devant solliciter l'aide d'un vieux voisin (Claude Rich), rare Blanc parmi les Blacks, pour l'aider dans son malheur. Du coup, le film s'intéresse à tous les exclus, les personnes âgées - même de race blanche - étant aussi l'objet d'indifférence en cet été caniculaire - et meurtrier - de 2003.

«Même si mes films sont très différents les uns des autres, la notion d'exclusion revient de façon récurrente, explique celui qui, de Drôle d'endroit pour une rencontre jusqu'à La chambre des officiers, a creusé le sillon de l'éclectisme. Même si Quatre mariages et un enterrement fut ni plus ni moins un élément déclencheur, il reste que j'ai aussi tenté d'évoquer dans ce film l'esprit de la comédie italienne des années 60 et 70. Les Italiens avaient trouvé une forme qui se prêtait bien aux sujets de société. En France, nous avons plutôt tendance à emprunter un ton plus grave dès qu'un thème à caractère social se développe dans une histoire.»

Rendez-vous manqué

François Dupeyron ne s'en cache nullement: Aide-toi, le ciel t'aidera a été un échec public sans appel lors de sa sortie en salle il ya deux ans.

«Évidemment, indique le cinéaste, l'accueil a été formidable lors des avant-premières - il l'est toujours -, mais j'avoue avoir été quand même un peu surpris, étant donné que la presse nous a été largement favorable. L'état de la distribution fait maintenant en sorte qu'un film doit avoir une bonne performance tout de suite auprès du public, sinon, il n'existe pas. Il y a certainement eu un manque de notre part sur le plan de la communication. Nous n'avons probablement pas bien su «vendre» l'idée de ce film auprès du public. Un échec lors d'une sortie en salle est pratiquement irrécupérable. Fort heureusement, les films peuvent maintenant avoir une autre existence en DVD. Mais à ce moment-là, on se rapproche davantage du livre. Le film devient un objet de bibliothèque.»

Après avoir cosigné l'ultime film de Claude Berri, Trésor, dont il a repris les rênes après la mort de ce dernier, François Dupeyron a au moins deux nouveaux projets de longs métrages en chantier. L'un est une coréalisation (avec Yves Angelo); l'autre, une comédie dont la vedette est Line Renaud. Les changements technologiques, tant sur le plan de la réalisation que de la diffusion, stimulent par ailleurs beaucoup le cinéaste.

«Les nouvelles techniques de fabrication sont très riches, mais on est à la traîne sur le plan de la distribution, soutient-il. Le système de diffusion est encore très lourd et très sclérosé. Il faudra trouver de nouvelles avenues sur ce plan afin de pouvoir exploiter les nouvelles techniques à leur plein potentiel.»

Aide-toi, le ciel t'aidera est actuellement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par uniFrance.