Lou Reed veut faire du cinéma. Il vient de réaliser Red Shirley, petit film de 30 minutes sur sa vieille cousine centenaire. Ce documentaire a attiré l'attention des RIDM, qui ont invité le rockeur à présenter son film ce soir à Montréal.

Après la projection, M. Reed doit en principe répondre aux questions du public. Mais si l'on se fie à l'entrevue téléphonique qu'il nous a donnée jeudi dernier, l'échange pourrait être court. Et désagréable. En cinq petites minutes («pas une de plus, est-ce clair?»), le rockeur nous a montré pourquoi il avait la réputation d'être le personnage le plus antipathique du showbusiness.

À sa demande, on lui avait pourtant envoyé nos questions à l'avance. Mais quand est venu le temps d'y répondre, il a fermé la porte. Dommage, on avait bien envie d'en savoir plus sur cette cousine Shirley, qui est le sujet de son documentaire. Mais la vieille diva rabougrie (lui, pas elle) n'avait pas envie d'en parler...

«Je ne veux pas de ces questions stupides sur ma relation avec elle. En aucun cas je ne veux que cette entrevue soit personnelle ou autobiographique», dit-il d'entrée de jeu.

La Presse: «Oui, mais enfin, c'est un film sur votre cousine, et vous la connaissez depuis toujours. Et c'est vous qui lui posez les questions à la caméra. Difficile de faire plus personnel...»

Réponse: «T'as entendu ce que je viens de te dire. Tu veux faire cette entrevue ou non? Parle-moi plutôt de cinéma.»

Question: «Mais votre film, c'est du cinéma...»

Réponse: «T'es sourd ou quoi? Parle-moi de cinéma ou je raccroche.»

Silence.

C'est bien parce que c'est Lou Reed et qu'on ne lui parle pas souvent. C'est bien parce que nous sommes le seul média montréalais à qui il a daigné donner une entrevue. Mais nous aussi, on aurait bien envie de raccrocher.

On lui demande comment il a trouvé sa première expérience de cinéma. Il ne répond pas. Au bout du fil, on l'entend aboyer après quelqu'un qu'on suppose être son chien ou sa servante. Il revient au téléphone, excédé. Il dit qu'il a été chanceux de travailler avec Ralph Gibson (directeur photo du film). Que c'est son premier film «d'images en mouvement» mais qu'il a déjà fait trois livres de photos. Puis il se met à comparer les avantages techniques des caméras Cannon et Sony.

On fait gentiment remarquer à M. Reed que, dans le cas de Red Shirley, le sujet est quand même plus important que la marque de lentille. D'autant plus qu'elle est filmée très simplement sur son divan, et que le film repose essentiellement sur ses propos. Il nous demande à quoi on joue et ajoute que, si ça peut nous faire plaisir, il a tourné son film avec un brownie.

«Je voulais faire le film le plus beau possible sur ma cousine, est-ce que c'est assez clair?» répond-il.

OK. Alors on est très content de vous ravoir à Montréal, M. Reed. La dernière fois, c'était l'été dernier, pour votre concert avec John Zorn et Laurie Anderson. Les gens vous ont hué et certains ont demandé à être remboursés. Comment avez-vous trouvé l'expérience?

«Who gives a fucking shit! Je fais de la musique pour les gens qui veulent m'écouter. Les autres clowns peuvent s'en aller. Je suis bien content qu'ils soient partis.»

«I had a great time...»

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Red Shirley est présenté ce soir à 21 h, salle Claude-Jutra de la Cinémathèque, en présence du réalisateur, et le 21 novembre à 14 h à la Grande Bibliothèque.