Après le succès-surprise de Slumdog Millionaire, Danny Boyle s'est consacré à une autre histoire de survie. Mais celle d'Aron Ralston est vraie. Grimpeur expérimenté, le jeune homme se retrouve prisonnier dans un canyon. Il lui faudra 127 heures pour s'en sortir. La différence entre la vie et la mort: le bras qu'il a laissé derrière lui. Rencontre.

Danny Boyle le sait: 127 Hours est, pour beaucoup de gens, «l'histoire de ce gars qui s'est coupé un bras». Le réalisateur de Slumdog Millionaire sait aussi que l'attention générale porte sur ces quelques minutes, troublantes de réalisme, où l'on voit James Franco, qui incarne Aron Ralston, commettre l'impensable: se briser les os du bras droit et, ensuite, se trancher le membre à l'aide d'un mauvais canif.

«Ce n'est pourtant pas, pour moi, le climax du film, indique-t-il en entrevue téléphonique avec La Presse. Pour moi, le point culminant de 127 Hours, c'est quand Aron sort de la crevasse et hurle, suppliant qu'on l'aide. Qu'un homme comme lui fasse cela montre à quel point ces heures-là l'ont changé. Son histoire est plus qu'une histoire de survie, c'est une aventure spirituelle et émotionnelle.»

Le réalisateur a «fait la rencontre» d'Aron Ralston par l'intermédiaire du récit que le grimpeur a publié en 2004, Between a Rock and a Hard Place - où il relate sa chute dans un étroit canyon, en Utah. Il se retrouve un bras écrasé entre la paroi et un énorme rocher. Personne ne sait où il se trouve. Il n'a de provisions et d'eau que pour la journée. En théorie. Mais l'expérience et l'instinct de survie prendront la relève sur ladite théorie.

«Je ne suis pas un aventurier. Mais l'histoire de ce garçon qui, à 27 ans, se sent invincible et veut conquérir le monde, est de celles qui parlent à tous», confie Danny Boyle qui a adapté l'autobiographie d'Aron Ralston avec son complice Simon Beaufoy.

Souci de réalisme

Le grimpeur a été impliqué dans toutes les versions du scénario: «Nous l'avons consulté pour tous les détails, il nous a montré comment utiliser les sangles, plier la corde, etc. Plus tard, au moment du tournage, il a agi comme consultant, mais il n'a pas été omniprésent sur le plateau».

Cela était important pour le réalisateur, afin que James Franco ne soit pas tenté d'imiter celui qu'il avait à incarner. «Et parce qu'il fallait que tout lui semble frais, nouveau, comme ça l'a été pour Aron. Le résultat n'en serait que plus vrai», explique le réalisateur.

Danny Boyle admet aujourd'hui ne pas avoir été sûr, lors de sa première rencontre avec le comédien, qu'il avait trouvé sa vedette. «Il semblait ne pas vraiment être là, il avait l'air stone.»

Mais, autour de lui, tous ont été catégoriques: c'est l'attitude normale de James Franco dans ce genre de situation. Il garde les gens à distance, pour se protéger. Le réalisateur l'a donc convoqué pour une lecture. Et là, plus de doute possible: 127 Hours avait sa tête d'affiche.

«J'avais pensé à lui pour sa performance dans Pineapple Express. J'ai vu là son talent de comique et combien il peut être chaleureux, drôle. J'avais besoin de ça. Il fallait qu'il aille toucher les gens dans les minutes précédant l'accident, que le public ait de l'empathie pour lui. Et il me fallait un comédien capable de passer du rire aux larmes, du découragement à l'espoir, de l'horreur à la détermination, et ce, en étant seul 90% du temps.»

Tournage intensif

Danny Boyle n'a pas regretté son choix une seconde. Le tournage s'est fait de façon intensive. «C'était parfait, ça servait l'urgence qu'il y a dans le film», croit-il.

Ils ont tourné sept jours sur sept pendant huit semaines. Une semaine dans le désert. Les autres dans un studio où le canyon a été reproduit au millimètre près. «C'était effroyablement étroit.James a été extraordinaire de se laisser enfermer là-dedans pendant cinq ou six semaines», raconte le cinéaste.

C'est le bras glissé dans un trou creusé entre la fausse paroi et le faux rocher que James Franco a joué la quasi-totalité de ses scènes. Pour celle de l'amputation, une prothèse faite à partir de son véritable bras droit (lui, attaché dans son dos) a été utilisée.

«Nous avons étudié les photos qui sont dans le livre d'Aron afin de récréer ce moment le plus exactement possible, mais nous avons fait cela avec autant de réalisme que d'absence de sensationnalisme», précise le réalisateur qui est fort conscient que le succès de Slumdog Millionaire lui a permis de «vendre» cette histoire à un studio hollywoodien et, surtout, d'avoir la liberté de la réaliser comme il le voulait. Sur papier, il ne survient à peu près rien pendant tellement longtemps!

Au bout du compte, dit-il, l'expérience a été formidable. Exigeante, mais formidable. «Aron nous a, lui aussi, permis d'explorer son expérience comme nous le désirions. En plus, il nous a dit des choses qu'il n'a pas écrites dans son livre parce qu'il n'avait pas assez de recul, alors, pour mettre des mots dessus.»

Les coudées franches pour dire ces 127 heures d'emprisonnement extrême. Danny Boyle s'en réjouit. Avec raison.

127 Hours prend l'affiche le 26 novembre.